LES BONNES CARTES
L’audace de Claude Julien a bien servi la cause du Canadien à Las Vegas
Quand une formation tire de l’arrière par 4 à 2 avec 12 minutes à faire dans le match et que son gardien, Keith Kinkaid, a alloué deux, sinon trois mauvais buts, mais que cette équipe parvient à sortir de l’amphithéâtre avec une victoire de 5 à 4 en prolongation, ça démontre du caractère et ça illustre encore mieux la personnalité d’un groupe de joueurs tirant dans la même direction.
Comme bien des gens, vous avez sans doute fermé les yeux après que les Golden Knights eurent marqué un quatrième but. Un déficit de deux buts dans le château fort de MarcAndré Fleury se traduit habituellement par une victoire des Golden Knights.
Mais Claude Julien a joué les bonnes cartes.
S’il avait été à une table de blackjack, il aurait surpris le croupier. Il a misé gros et il a ramassé le magot.
Jeudi soir, le Canadien a gagné un troisième match de suite dans des circonstances qu’on cherche toujours à éviter.
√ Comme accorder un but en fin de période.
√ Comme laisser l’adversaire prendre le contrôle du match au début de la troisième période.
√ Comme un gardien qui réalise quelques arrêts spectaculaires, mais qui accorde trois buts faciles…
LA BONNE DÉCISION
Mais Julien a joué le tout pour le tout et le but de Tomas Tatar lui a fourni l’opportunité de prendre une décision qui devait permettre au Canadien de créer l’égalité 4 à 4.
Kinkaid a été rappelé au banc à la faveur d’un sixième patineur alors qu’il restait un peu plus de deux minutes. Le Canadien relançait son attaque avec une rapidité déroutant complètement l’adversaire, ce qui a mené au but égalisateur de Brendan Gallagher.
Et Julien en a rajouté.
En période de prolongation, il a utilisé Paul Byron avec Max Domi et Jeff Petry pour amorcer le duel. Paul Byron ? Oui, oui, « Ti-paul » !
Pourquoi pas Jonathan Drouin ? Ou Tatar, ou Brendan Gallagher, ou Joel Armia ?
Non, « Ti-paul ».
Étonnant, n’est-ce pas ?
Plutôt, impensable. « Ti-paul », qui avait jusque-là passé à peine 12 minutes sur la surface de jeu. Mais il faut croire que la chance flirtait avec l’entraîneur. Julien a gagné son pari.
Il y a de ces soirs où toutes les pièces du casse-tête tombent aux bons endroits. Julien a-t-il voulu capitaliser sur la nette domination de son équipe sur le plan de la rapidité ? Sans doute. Domi, Byron et Petry n’ont jamais permis aux Golden Knights de toucher à la rondelle.
DANS LE CAS CONTRAIRE
Mais imaginez si ça n’avait pas fonctionné. Imaginez si le Canadien avait perdu après la performance encore une fois très inquiétante de Kinkaid. Julien aurait passé à l’interrogatoire.
Pourquoi Byron ?
Pourquoi Kinkaid ?
Pourquoi ci ? Pourquoi ça ? Évidemment, comme point de départ, on cherchait à comprendre la décision d’utiliser le gardien auxiliaire plutôt que Carey Price, qui n’avait pas connu une soirée tellement occupée, la veille en Arizona.
Après tout, le Canadien n’affrontait-il pas une équipe talentueuse, à qui l’on prédit le premier rang de la division Pacifique ?
Si Julien, après consultation avec ses adjoints, avait choisi d’utiliser Kinkaid en raison d’une séquence de deux matchs en deux soirs, décision prise avant le début du voyage, un entraîneur doit modifier ses plans en fonction de l’actualité, en fonction des événements qui marquent la Ligue nationale à tous les jours.
UNE AUTRE CARTE
Julien s’en est tenu au plan établi au préalable et il a gagné. Il a fait la démonstration que le hockey de la Ligue nationale, en raison de la parité, exige maintenant que les entraîneurs s’impliquent davantage pendant les matchs.
Il n’y a pas que les changements de ligne, il faut déceler rapidement les joueurs aptes à faire la différence. Il faut prendre des risques. Il faut surprendre son rival avec des modifications inattendues sur le plan des effectifs.
Dans les derniers instants du match, jeudi, Julien a réuni ses six meilleurs joueurs sur la surface de jeu. Puis, « Ti-paul » en prolongation. Celle-là, elle est difficile à comprendre.
Mais que pouvez-vous dire quand le croupier tourne la carte destinée à Claude Julien, qui avait déjà un roi, c’est un as.
Blackjack !