UNE BIOBANQUE UNIQUE AU MONDE… À QUÉBEC
Avant l’ère de la recherche génomique et génétique, le Dr Michel Laviolette, pneumologue à l’institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval (IUCPQ-UL), a entrepris un projet audacieux et avant-gardiste : conserver des tissus prélevés sur des patients lors de chirurgies ou de biopsies afin de servir la recherche sur les maladies pulmonaires. De cet élan visionnaire est née la biobanque de L’IUCPQ-UL, la plus importante collection de tissus pulmonaires au monde. Un joyau d’une valeur inestimable pour les chercheurs de l’institut, une ressource qui leur aura permis de faire des percées majeures et qui aura positionné L’IUCPQ-UL parmi les établissements de renom à l’échelle planétaire.
Conserver pour l’avenir
Le Dr Yohan Bossé est bien placé pour en témoigner. Lui et son équipe se sont servis des échantillons de la biobanque pour générer un jeu de données qui est devenu une référence internationale pour étudier la génétique du cancer du poumon et les maladies respiratoires. Ils ont ainsi identifié des gènes prédisposant certaines personnes au développement d’un cancer du poumon et des biomarqueurs augmentant leurs risques de rechute suivant une chirurgie. À coup sûr, l’accès à la biobanque aura joué un rôle majeur dans ces percées.
« Mon collègue pneumologue, le Dr Michel Laviolette, un peu à la façon dont vous et moi allons mettre de l’argent en banque pour réaliser des projets plus tard, a mis à la biobanque des échantillons biologiques prélevés de patients en se disant qu’ils serviraient plus tard à la réalisation de projets de recherche, illustre le Dr Bossé, professeur à l’université Laval et chercheur à l’institut. Il fallait être visionnaire pour entreprendre un projet comme celui-là vingt ans passés. Aujourd’hui, on mesure mieux la valeur de ces échantillons. Ceux-ci sont l’essence même des travaux en génomique et le grand nombre d’échantillons nous permet aujourd’hui de réaliser des projets uniques. »
Ainsi, ce qui a commencé d’une façon un peu artisanale a pris, année après année, une envergure que personne n’imaginait au départ : une collection de 25 000 échantillons provenant de plus de 4 000 patients qui ont accepté de donner un coup de pouce à la recherche en consentant à ce que leurs tissus soient conservés.
De précieuses données
Concrètement, la biobanque, c’est une vingtaine de congélateurs dans lesquels sont entreposés des échantillons à une température de -80 degrés Celsius. Mais ce qui en fait réellement l’intérêt, ce sont les données associées à chacun des échantillons. « On parle beaucoup du matériels biologiques, comme les tissus pulmonaires, les tumeurs et L’ADN, mais ce qui est aussi riche, ce sont les caractéristiques cliniques des patients chez qui on les a prélevés. Tout est répertorié et documenté : l’âge, le sexe, le statut tabagique, le type de cancer, les caractéristiques de la tumeur, etc. », explique le Dr Bossé.
Autre élément unique de la biobanque : l’évolution des patients au fil du temps. « Par exemple, prenons un patient qui s’est fait opérer pour un cancer en 2010. Aujourd’hui, on sait si l’intervention a été curative ou si le cancer a récidivé, explique le Dr Bossé. Nous pouvons ainsi identifier les caractéristiques cliniques et génétiques lors de la collecte des échantillons qui expliquent l’état actuel des patients.»
Une mine d’or à forer
Pour gérer une telle biobanque, l’institut emploie pas moins de cinq professionnels de recherche à temps plein. Ensemble, ils continuent de l’enrichir, avec la collaboration d’environ 350 patients qui consentent annuellement à ce que les tissus qui leur sont prélevés soient conservés. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il s’agit là d’une véritable mine d’or pour la recherche.
Encore faut-il pouvoir la forer, cette mine. « La biobanque, à elle seule, ne fait pas les découvertes scientifiques et ne mène pas à des percées vers de nouvelles thérapies, rappelle le Dr Bossé. Il faut l’exploiter. Actuellement, nous savons que nous avons un gros capital de recherche. Il faut obtenir le financement nécessaire pour l’exploiter avec nos outils moléculaires, comme ceux que nous offre la recherche en génétique et en génomique. C’est ce qui coûte cher. Par exemple, générer le profil transcriptionnel d’un seul échantillon coûte 500 $. Imaginez ce qu’il en coûterait pour le faire pour les 4 000 patients dont les tissus ont été conservés dans la biobanque! »
Le financement. Voilà le nerf de la guerre. Le facteur qui freine bien des initiatives. « Nous sommes chanceux, parce que nous avons l’appui de la Fondation IUCPQ, nécessaire pour le maintien de la banque », soutient le Dr Bossé.
Et s’il n’y avait pas de limite? « Je pourrais facilement envisager un projet qui coûterait 10 M$ pour exploiter et rentabilisé les échantillons de la biobanque à leur plein potentiel. Cet argent-là, n’est pas disponible pour l’instant. Mes collègues et moi devons aller le chercher, ce qui n’est pas si facile. On réussit quand même avec des projets plus modestes à faire des travaux de recherche d’envergure. J’ai toutefois l’impression qu’on pourrait faire 10 fois, même 100 fois plus. Mais je reste optimiste, je suis persuadé qu’on pourra relever ces défis de financement. Il faut être patient, c’est une question de temps avant de trouver des bailleurs de fonds qui peuvent apprécier la valeur de la biobanque, veulent s’associer à des projets de recherche compétitifs et partagent notre mission d’accélérer les soins en santé respiratoire. »