« Les années ont forgémon caractère »
À 16 ans, Méghane Larochelle vit avec résilience les conséquences de sa rare maladie incurable
Méghane Larochelle vit avec deux « armures »... Celle formée de sa peau sèche, rugueuse et qui s’écaille à cause d’une rare maladie, et celle qu’elle s’est forgée à lutter contre les regards désobligeants et les commentaires blessants.
« Ce n’est pas facile tous les jours encore […] Mais les années ont forgé mon caractère. Je dis ce que je pense et je ne me laisse plus manquer de respect », confie à voix basse, mais empreinte d’assurance, l’adolescente montréalaise de 16 ans, atteinte d’ichtyose lamellaire.
Il y a 13 ans, l’histoire de la jeune Méghane, alors âgée de seulement trois ans, avait ému tout le Québec. Épuisés et dépourvus, ses parents appelaient à l’aide.
L’ichtyose lamellaire fait en sorte que la couche cornée, celle sur le dessus de la peau, s’épaissit rapidement. Des peaux mortes se détachaient presque continuellement, donnant l’allure d’écailles de poisson. Cette peau dure et épaisse nuisait aussi à ses mouvements, si bien qu’elle ne marchait pas, par exemple.
La maladie est incurable et, à l’époque, rien ne soulageait la fillette. Son père, Éric Larochelle, craignait de la perdre.
Un vent de solidarité a permis à la famille de recevoir de l’aide. L’animatrice Chantal Lacroix a même offert un traitement en Europe dans des eaux thermales dans le cadre d’une émission.
Les mois suivants ont eu un effet libérateur sur Méghane, enfin apaisée.
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« Mais ma peau s’habitue [aux traitements] et quand ça arrive, il faut trouver autre chose », explique l’adolescente.
Depuis les 13 dernières années, elle a enchaîné d’innombrables traitements et crèmes. « On vient qu’on ne sait plus quoi faire », souffle son père, Éric Larochelle.
« On a essayé toutes les crèmes possibles, tous les produits sur tablettes, l’huile de baleine, l’huile de requin et même l’huile d’émeu », énumère-t-il. « Ouach ! Ça, j’ai haï ça », rigole Méghane à ses côtés.
Son médecin lui prescrit désormais des médicaments pour retarder l’épaississement de sa peau et une crème, qu’elle doit appliquer deux fois par jour. « Même ça, il faut que j’alterne, car [l’efficacité] ne dure que deux mois », dit M. Larochelle.
Sa peau reste extrêmement sensible, elle brûle sous le soleil ou elle fendille avec les changements de température.
« COMME LES AUTRES »
« Tout le temps prendre des médicaments chaque jour, me crémer, je trouve ça fatiguant [...] C’est bizarre à dire, mais j’aimerais ça avoir une peau lisse comme les autres », laisse tomber l’adolescente.
Elle confie qu’elle a pleuré et s’est demandé pourquoi cette maladie était tombée sur elle. Elle se cachait, car elle avait honte de montrer son corps.
Ses années à l’école primaire ont été particulièrement difficiles, ditelle. Victime d’intimidation à cause de son apparence, elle s’est isolée énormément.
« “Regarde-la, elle est rouge, elle ressemble à une tomate”, je me la suis fait souvent dire, celle-là », se souvient Méghane.
BEAUCOUP DE CHEMIN
Aujourd’hui, elle se dit que ces épreuves l’ont formée. Elle s’entoure maintenant d’un cercle d’amis qu’elle a récemment rencontrés et qui ne l’ont jamais jugée.
« J’ai fait beaucoup de chemin, car pas plus tard que l’an passé, je ne parlais pas. Jamais je ne levais la main en classe ou riais avec les autres », affirme-t-elle.
Candidement, elle admet qu’il y a un an, elle aurait refusé de s’ouvrir au Journal comme elle l’a fait récemment.
« Je me dis qu’il y en a des pires que moi, avec des handicaps plus gros, et qui réussissent à passer par-dessus. Il ne faut pas lâcher », lance Méghane.
Tout n’est pas parfait, reconnaît-elle. Sa maladie lui cause des problèmes de dextérité dans les mains. Par exemple, elle peut manquer de force pour ouvrir des serrures. Dès qu’elle saute une journée à se couvrir de crème, sa peau s’effrite rapidement.
La peau raide de son visage tire aussi ses paupières. Elle a donc toujours les yeux ouverts, causant des problèmes de vision parce que sa rétine sèche. Enfant, elle a dû être opérée pour éviter la cécité.
Son père fait remarquer que sa fille a envoyé des dizaines de CV cet été à la recherche d’un emploi, mais les entrevues n’ont débouché sur rien. Il ne peut s’empêcher de croire que son apparence lui a nui.
« Mais je vois d’où elle est partie et où elle est [aujourd’hui], et je suis fier d’elle. C’est un exemple, c’est une battante », répond-il.
L’adolescente rêve d’un jour ouvrir sa propre garderie ou son restaurant. Pour l’instant, elle fait du gardiennage partout dans son quartier et commencera bientôt un emploi dans un Tim Hortons. Elle économise afin de partir à New York avec sa classe à la fin de l’année.
« Dans la vie, il faut se dépasser », lance-t-elle comme message.