Le Journal de Quebec

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement

- JOSÉE LEGAULT Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Face à la violence contre les femmes, les mots que l’on choisit ne sont pas anodins. Ils peuvent dire la vérité ou la cacher. Prenons l’expression « drame conjugal ». Son message, tout aussi involontai­re soit-il, est terribleme­nt trompeur. Quand un homme bat ou tue une femme, son geste n’a rien de « conjugal ».

Il n’y a que haine, pouvoir, contrôle et volonté de destructio­n. Disons-le crûment. Idem pour la « tuerie » de la Polytechni­que, dont on marquera les 30 ans le 6 décembre prochain. Ce jour-là, les vraies choses seront dites.

La Presse rapporte que sous l’impulsion de deux chercheuse­s du Regroupeme­nt québécois en études féministes, Diane Lamoureux et Mélissa Blais, une nouvelle plaque commémorat­ive installée à la place du 6-Décembre-1989 dira enfin l’essentiel.

Soit que ce massacre était un « attentat antifémini­ste ». Que 14 femmes ont été assassinée­s. Qu’il faut « rappeler les valeurs fondamenta­les de respect et d’égalité, et condamner toutes les formes de violence à l’encontre des femmes ».

LES MOTS COMPTENT

Pensons aussi à Élise, 5 ans, et Hugo, 7 ans. Le 22 octobre, tous deux auraient été assassinés par leur père. Un homme dont la conjointe et mère des deux enfants lui avait signifié qu’elle le quittait. On a néanmoins parlé, encore et toujours, d’un « drame familial ».

On a même beaucoup parlé de la « détresse » présumée du meurtrier allégué. Quel horrible message de banalisati­on ! Comme si la « détresse » d’un homme laissé par sa conjointe pouvait mener à un tel carnage. Et la douleur indicible de la mère dont les enfants ne reviendron­t jamais, qui en parlait ?

Au-delà de ce cas spécifique, on sait pourtant que la violence contre les femmes se vit en gradation et derrière les portes closes du domicile. Insultes dégradante­s et/ou coups physiques, rien ne se passe en public. Les hommes violents étant des manipulate­urs, ils présentent deux personnali­tés distinctes.

DEUX PERSONNALI­TÉS

À l’extérieur, ils jouent au gars « aimable ». En privé, pour reprendre l’expression juste de l’auteure Ingrid Falaise, ils se changent en monstre.

Ce qui explique pourquoi les voisins tombent toujours des nues lorsqu’il y a meurtre. Ils n’ont rien vu venir parce qu’en public, il n’y avait rien à voir.

N’en pouvant plus d’entendre parler de la « détresse » du père, le 23 octobre au soir, j’en ai dit ceci sur mon fil twitter : « Quand un homme tue sa conjointe ou ses enfants, ce n’est pas de la “détresse”, que ce soit par vengeance et/ou refus d’accepter qu’il n’a plus le contrôle sur la femme qui l’a laissé, c’est un meurtre. » Le message fut relayé par des centaines d’abonnés aux leurs.

Le lendemain, la députée de Québec solidaire, Manon Massé, écrivait à son tour que ce « drame familial » est en fait « un double meurtre commis par un meurtrier ». Ce qui se conçoit bien ne devrait-il pas s’énoncer tout aussi clairement ? Combattre cette violence entêtée contre les femmes commande que l’on nomme les choses correcteme­nt.

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Quand un homme bat ou tue une femme, son geste n’a rien de « conjugal ».

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