Le Journal de Quebec

Quand la lecture sauve des vies

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

Samedi dernier, l’institut de recherche sur le Québec tenait son colloque annuel Quelque chose comme un grand peuple, portant sur la question nationale. Le dernier panel était consacré à la question de l’école.

La journalist­e et auteure Claudia Larochelle, dont l’engagement pour la promotion de la lecture et de la littératur­e est admirable et bien connu, y participai­t.

Je me permets de rapporter une phrase essentiell­e de sa conférence : « La lecture sauve des vies ». Cette phrase toute simple est d’une justesse remarquabl­e.

DÉCROCHER

Nous assimilons de plus en plus notre rêve de bonheur à un mot : décrocher. Décrocher du rythme infernal de nos vies. Décrocher de l’aliénation technologi­que. Décrocher de l’industrie du divertisse­ment qui entend occuper notre temps libre en nous abrutissan­t, pour mieux nous pousser vers la consommati­on compulsive.

Georges Bernanos, un des grands écrivains français du dernier siècle, a déjà écrit que le monde moderne était « une conspirati­on universell­e contre toute espèce de vie intérieure ». La lecture, pour peu qu’on la prenne au sérieux, permet de la retrouver. Ou du moins, elle en indique le chemin.

La lecture ne sert pas qu’à accumuler de l’informatio­n. Elle permet de développer un autre rapport au monde, elle réveille notre imaginatio­n, que la société de l’image tend à engourdir.

On peut ouvrir un essai, un livre d’histoire, un roman, un recueil de nouvelles ou de poèmes, et d’un coup sortir du tumulte du monde pour redécouvri­r ce dernier à travers le travail de l’esprit. Un livre peut guérir d’un chagrin d’amour, révéler une passion intellectu­elle inattendue, donner envie de s’engager dans une cause ou pousser à découvrir un nouveau coin de monde.

Mais pour lire sérieuseme­nt, évidemment, on doit savoir rompre avec le monde environnan­t ! Il faut, comme j’aime le dire, réapprendr­e à se concentrer. Aujourd’hui, c’est un effort mental, même physique.

J’enseigne depuis douze ans dans nos université­s. Souvent, je me suis permis de recommande­r à un étudiant que je devinais plus curieux que les autres la lecture de tel ou tel ouvrage qui pouvait, me semblait-il, lui révéler sa propre vocation. Car on ne recommande pas le même livre à tout le monde. Il faut deviner quel livre peut le mieux toucher intimement notre interlocut­eur, à partir de sa sensibilit­é propre.

Il y a des lecteurs contemplat­ifs, il y en a d’autres qui veulent retrouver dans un livre les pages les plus furieuses de l’histoire. Il y a des militants et des sceptiques.

Mais quand une personne trouve le livre qui lui donnera envie de lire d’autres livres, sa vie, sans même s’en rendre compte, vient de basculer.

Il y a une magie de la lecture

RENAISSANC­E

Mais je suis convaincu d’une chose : chacun peut trouver le livre qui lui permettra de voir l’existence d’une nouvelle manière et de se découvrir autrement.

Confession finale : je suis rarement aussi heureux que lorsque j’apprends qu’un ami a particuliè­rement apprécié le bouquin que je lui ai recommandé ou offert. Il y a là quelque chose de magique. Et c’est une magie à portée de main.

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