Le Journal de Quebec

« Ils remontent leurs culottes, puis ils retournent chez eux »

Témoignage troublant d’une experte à la commission sur l’exploitati­on sexuelle des mineurs ROSE DUFOUR

- DOMINIQUE LELIÈVRE

Il y a urgence d’enrayer l’exploitati­on sexuelle des mineurs et il faudra mobiliser « tous les hommes » pour y arriver, a exposé dans un vibrant plaidoyer, hier, une anthropolo­gue qui a consacré les deux dernières décennies à accompagne­r des femmes victimes de la prostituti­on.

« La situation est vraiment absolument dramatique, et dans ces 20, 19 dernières années que j’ai passées dans la prostituti­on, ce que je vois, aujourd’hui… je suis terrorisée », a déclaré dans une envolée bien sentie Rose Dufour, au jour deux de la commission spéciale sur l’exploitati­on sexuelle des mineurs, à l’assemblée nationale.

Bien que son discours semblât aborder la problémati­que de la prostituti­on dans son ensemble, même celle vécue par les victimes adultes, la fondatrice de la Maison de Marthe, située à Québec, a pris soin de souligner que « la majorité [des femmes qui se prostituen­t] ont commencé alors qu’elles étaient mineures ».

Le Conseil du statut de la femme avance même que 80 % des prostituée­s ont sombré dans cet enfer alors qu’elles étaient mineures.

« MORTE DE PEUR »

« Moi, je suis grand-mère d’une petite fille qui a dix ans présenteme­nt [et] je suis morte de peur. Je suis morte de peur ! Il faut qu’il y ait une révolution […] nous devons comprendre la gravité de la réalité de la prostituti­on », a poursuivi l’invitée de la commission.

Le problème est d’autant plus criant que l’exploitati­on sexuelle est devenue une véritable « industrie » aux multiples facettes, lesquelles semblent mal comprises par la population, selon Mme Dufour.

Mais alors, comment faire pour espérer un jour vaincre le plus vieux métier du monde?

« Je crois que l’une des premières choses urgentes à faire, c’est de mobiliser les hommes. Tous les hommes de notre société », répond-elle.

« OUTRAGEANT »

La chercheuse ne passe pas par quatre chemins pour qualifier les clients de la prostituti­on, qui, la plupart du temps, s’en tirent sans « aucune conséquenc­e », lance Rose Dufour.

« Je m’excuse de parler de cette façon-là. Ils remontent leurs culottes, puis ils retournent chez eux et ils sont de bons pères, de bons maris, de bons profession­nels. C’est outrageant. C’est inacceptab­le », déplore-t-elle en déclarant avoir rencontré trop de femmes « absolument brisées ».

Selon les estimation­s fournies par la commission, les femmes représente­nt près de 90 % des victimes d’exploitati­on sexuelle.

La majorité des clients-abuseurs de personnes mineures sont des hommes. Environ 85 % des proxénètes sont des hommes et 15 % des femmes, dont certaines peuvent avoir été victimes elles-mêmes.

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