OTTAWA DONNE DES PERMIS À DES CRIMINELS
Production de cannabis
Santé Canada a accordé des permis de culture de cannabis thérapeutique à des individus criminalisés ou qui ont frayé avec les Hells Angels. Notre Bureau d’enquête a dénombré une dizaine de cas troublants.
C’est un secret de polichinelle dans le milieu: il est très facile d’obtenir en moins de deux mois une prescription de cannabis thérapeutique et un permis de Santé Canada pour le cultiver.
En juin 2019, Santé Canada a refusé seulement deux demandes sur les 3550 qui ont été traitées au pays.
L’agence gouvernementale ne fait pas d’enquête sur les demandeurs, dont plusieurs ont eu des démêlés avec la justice au cours des dernières années, selon nos sources ( voir tableau).
UN MOTARD QUI CULTIVE
Par exemple, Jocelyn Labrie possède un permis de culture. Dans une décision de la Régie des alcools, des courses et des jeux de juin 2017, les policiers notent qu’il serait un membre en règle du groupe de motards Red Devils East Side, parrainé par les Hells Angels. M. Labrie a des antécédents judiciaires pour production de cannabis.
Il a été arrêté à Terrebonne en février 2017 alors qu’il était « tenancier » du bar Le Maverick. Cet établissement a perdu son permis de boisson après qu’une plantation de 787 plants a été découverte dans une pièce adjacente derrière le bar.
Labrie a été reconnu coupable de possession illégale de cannabis.
Une bonne vingtaine d’autres criminels avec des permis préoccupent les corps policiers de la Couronne nord de Montréal, dont un ex-membre des Rowdy Crew, un ancien club-école des Hells.
Autre cas troublant, celui d’anissa Gilbert, une femme de Yamachiche, en Mauricie, avec des antécédents de trafic et possession de drogues. Elle détient un permis pour 292 plants intérieurs et 76 plants extérieurs, selon nos sources.
Mme Gilbert n’en a d’ailleurs pas fini avec les tribunaux: elle a été arrêtée en juin 2018 dans une rafle visant à démanteler un des plus importants réseaux de vente de drogue de Trois-rivières.
L’an dernier, TVA Nouvelles rapportait que celui qui est considéré comme la tête dirigeante de ce réseau, Brian Gauthier, est un proche des Hells.
Mme Gilbert a été libérée en attendant son procès. Un an plus tard, elle obtenait pourtant un permis de culture.
PLUSIEURS CAS EN MAURICIE
Toujours en Mauricie, trois personnes arrêtées en 2016 lors de l’opération Nandou visant à démanteler un réseau de trafiquants ont obtenu leur permis quelques mois après qu’un arrêt des procédures a été prononcé à leur endroit.
La cause est pourtant toujours en appel.
600 PLANTS À LA MÊME ADRESSE
En tout, quatre personnes avec des casiers judiciaires, dont deux arrêtées dans Nandou, cultivent plus de 600 plants à la même adresse à Bécancour.
Et elles ont obtenu leurs prescriptions auprès du même médecin en Ontario, selon nos informations.« Les policiers en ont ras-le-bol », dit une source bien informée.
Des corps policiers et des municipalités ont d’ailleurs fait des représentations, tant auprès de Santé Canada que de ministres et de députés, en vain.
Le sentiment d’impuissance est généralisé, ajoute la source. C’est comme si Santé Canada avait légalisé les activités du crime organisé, illustre une autre personne qui a voulu garder l’anonymat.