Le Journal de Quebec

Simon Jolin-barrette : Prise 2

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal denise.bombardier @quebecorme­dia.com

En septembre dernier, j’ai fait un portrait du jeune ministre de 32 ans qui, à l’époque, menait tambour battant son projet de loi sur la laïcité.

J’avais écrit alors : « Son nationalis­me repose sur une conviction profonde que les Québécois ne méritent pas d’être méprisés et humiliés. » Je persiste et signe sur ce thème. Mais j’avais aussi ajouté : « Il s’épanche rarement, estimant peut-être qu’en politique, les débordemen­ts émotionnel­s sont vite déplacés. »

C’est bien là où le bât blesse pour Simon Jolin-barrette. Il vient d’en faire la preuve cette semaine par la façon froide, péremptoir­e et rigide avec laquelle il a imposé la réforme sur l’immigratio­n. La réforme visait en particulie­r les étudiants et les travailleu­rs étrangers, assurés jusque-là de pouvoir court-circuiter l’attente d’une éventuelle citoyennet­é.

IMPASSE

La politique n’est pas qu’affaire de raison. Une approche légale et comptable de l’immigratio­n mène nécessaire­ment vers une impasse.

La politique est l’art du possible. Elle suppose plus de souplesse, d’empathie, de nuance et de vision. Or, on peut reprocher au gouverneme­nt Legault d’avoir un déficit de sensibilit­é dans son approche de l’immigratio­n. Les candidats à l’immigratio­n ne sont pas des pions que l’on déplace au gré des besoins économique­s du moment. On n’importe pas des matières premières ou des produits finis, mais bien des êtres humains.

François Legault, l’émotif, a été bouleversé par les réactions violentes et surtout diversifié­es face à la redéfiniti­on des critères de sélection des futurs candidats. Le monde des affaires, son monde, celui des université­s, des cégeps, des médias en général ont formé un front commun spontané, pourrait-on le croire ? Quant aux partis d’opposition, ils s’en sont donné à coeur joie. Peut-on s’en étonner ?

OPPOSITION

Le PQ n’allait pas rater l’occasion de mettre à mal la CAQ, qui a recruté tant de ses membres. Québec solidaire est tombé à bras raccourcis sur le gouverneme­nt, fort de sa vision rigide et idéologiqu­e de tous les grands enjeux de l’heure, l’immigratio­n au premier chef. Le Parti libéral, pour sa part, a hurlé, d’autant plus que c’est pendant son mandat que 18 000 candidats immigrants ont subi une attente quasi sadique de plusieurs années sans suite. C’est d’ailleurs le gouverneme­nt Legault qui a hérité de cette incurie libérale.

La lune de miel du gouverneme­nt est terminée, claironne-t-on depuis deux jours. François Legault s’est de nouveau excusé, visiblemen­t plus secoué que colérique. Car son dauphin, Simon Jolin-barrette, l’a fort mal servi cette fois. Mais le jeune ministre, dont il ne faut pas sous-estimer la déterminat­ion, la passion et l’ambition, en tirera sans doute des leçons. Cela lui permettra peut-être de sortir de la griserie qu’il a connue jusqu’à présent.

Le pragmatism­e de la CAQ porte en lui ses limites. Des dossiers chauds comme l’immigratio­n, la langue et l’éducation obligent à une réflexion permanente. C’est moins de comptables, d’avocats et de gestionnai­res de tous genres qu’a besoin le gouverneme­nt Legault. Il faudrait qu’il s’entoure de philosophe­s, d’éthiciens, de sociologue­s, toutes ces profession­s qui, à ce jour, ne semblent plus les bienvenues au Québec.

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La politique n’est pas qu’affaire de raison

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