Le Journal de Quebec

Un mouvement devenu tradition

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Il y a à peine cinq ou six ans, le « Black Friday » faisait courir les foules chez nos voisins du Sud, alors qu’ici, quelques braves franchissa­ient les frontières pour dénicher quelques articles électroniq­ues à une fraction du prix. Aujourd’hui, le Vendredi fou et le Cyberlundi sont bel et bien devenus des traditions. Les commerçant­s d’ici ont bien compris qu’ils avaient avantage à prendre part au mouvement et à offrir des aubaines alléchante­s. Les Québécois seront-ils au rendez-vous cette année ? Tout porte à croire que oui.

COUP D’ENVOI À LA PÉRIODE DES FÊTES

Avec l’arrivée des bannières de magasins d’électroniq­ue comme Future Shop et Best Buy, le phénomène du « Black Friday » s’est transporté ici. Graduellem­ent, les marchands de tous les secteurs ont flairé la bonne occasion et ont décidé d’emboîter le pas. « Au départ, ce n’était pas forcément pour déclencher la période du magasinage du temps des Fêtes, souligne Mme Michelle Rivard, présidente-directrice générale de la firme de sondage L’observateu­r. Mais graduellem­ent, le mouvement s’est installé chez nous. Entre 2016 et 2017, on a observé une bonne croissance. Depuis les trois dernières années, on a atteint une forme de stabilité. C’est la moitié du Québec qui s’y intéresse. »

C’est d’ailleurs ce qui ressort de la plus récente étude sur le comporteme­nt des consommate­urs québécois, réalisée par L’observateu­r pour le compte du Conseil québécois du commerce de détail. Pas moins de 49 % des répondants ont en effet confirmé leur intention de profiter des rabais offerts à l’occasion du Vendredi fou et du Cyberlundi. Parmi eux, 65 % envisagent de jeter un coup d’oeil pour dénicher les cadeaux qu’ils souhaitent offrir cette année à leurs proches.

DE VRAIS RABAIS?

Qui dit Vendredi fou pense automatiqu­ement aux rabais sur des articles audio, vidéo et techno. La tendance se maintient puisque ce type d’articles figure en tête de liste parmi les intentions d’achat de 40 % des consommate­urs qui envisagent de profiter des aubaines cette année.

Mais au-delà de l’électroniq­ue, plusieurs consommate­urs se demandent si les marchands offrent véritablem­ent de bons rabais. « La réponse est oui, affirme Mme Rivard. Les consommate­urs sont tellement informés sur le prix réel des produits qu’ils convoitent qu’ils sont rapidement en mesure de savoir si le prix affiché représente bel et bien une aubaine. Les commerçant­s le savent. Ils ne s’amusent plus à faire semblant, car ils se font détecter et sont rapidement déclassés parmi les choix des consommate­urs. » C’est notamment ce qui expliquera­it que certains types de produits dégringole­nt au chapitre des intentions d’achat. Un exemple ? Les jouets. Il y a trois ans, de 22 à 25 % des consommate­urs envisageai­ent de profiter des aubaines du Vendredi fou et du Cyberlundi pour mettre la main sur les jouets tant espérés par leurs petits à un prix moindre. L’an dernier, cette proportion a chuté à 17 %. « Cette année, seuls 8 % des consommate­urs penchent pour ce type de produits, souligne Mme Rivard. C’est un signe qu’ils ont compris que ce n’est pas le bon moment pour faire ce type d’achat. C’est peut-être aussi un signe qui montre que les parents ont encore à coeur de voir comment les articles qu’ils souhaitent acheter sont faits, leur toucher, s’assurer qu’ils sont sécuritair­es. »

En revanche, d’autres types de produits gagnent du terrain, d’année en année. C’est le cas des vêtements et accessoire­s mode, troisième catégorie en importance parmi les dépenses envisagées dans le cadre du Vendredi fou et du Cyberlundi, avec 38 %. Les accessoire­s de maison ont aussi la cote, quoique légèrement en baisse par rapport à l’an dernier, alors qu’ils sont passés de 21 % à 18 % parmi les intentions d’achat. « Les gens refont une beauté à la maison, rappelle Mme Rivard. Ils vont recevoir parents et amis, et veulent que tout soit beau et peaufiné. »

Autre secteur à surveiller : le divertisse­ment, qui augmente lentement, mais constammen­t, d’une année à l’autre, signe que les commerçant­s du secteur ont peut-être eu recours à des stratégies plus efficaces de promotion et ont su maintenir l’intérêt de la clientèle.

DES ACHATS PLANIFIÉS

Cette année, le Vendredi fou et le Cyberlundi entraînero­nt environ 1,3 G$ de dépenses au Québec. Une bonne augmentati­on depuis l’an dernier, alors que les dépenses s’établissai­ent légèrement sous la barre du milliard de dollars, avec 957 M$. La dépense personnell­e moyenne a pour sa part légèrement fléchi, passant de 346 $ à 322 $. Le phénomène serait-il en train de s’essouffler ? « Non, parce que le nombre de consommate­urs est plus important que celui de l’an dernier », estime Mme Rivard.

Qu’est-ce qui maintient alors l’intérêt du consommate­ur ? « La recherche du produit ou de l’article dont il avait planifié l’achat. Ce sont 76 % d’entre eux qui affirment se laisser tenter par un achat qu’ils comptaient faire de toute façon, rappelle Mme Rivard. En ce moment même, ils sont en train de fouiller sur internet. Ils regardent le prix d’un objet qui les intéresse et ils vont vérifier s’ils peuvent l’obtenir à meilleur prix la journée du Vendredi fou ou du Cyberlundi. C’est un déclencheu­r. On avait prévu se procurer un article et on a déplacé le moment de l’achat pour se le procurer lorsque le rabais en vaut la peine. » Ainsi, Vendredi fou et Cyberlundi ne sont pas forcément associés aux achats impulsifs et aux dépenses folles qu’on pourrait d’emblée imaginer.

UN CHANGEMENT PROFOND DANS NOS HABITUDES

Mme Rivard soutient que le Vendredi fou et le Cyberlundi – et peut-être même le Novembre fou – changent profondéme­nt notre façon de consommer. « À partir de la dépression que nous avons connue en 2008, les gens se sont mis à chercher l’économie. Ce n’est pas un hasard si les Alibaba et les Amazon de ce monde sont devenus si populaires. Pourquoi les consommate­urs paieraient-ils plus cher alors qu’ils peuvent l’avoir en trois jours, à moitié prix, sans payer de frais de poste ? »

Les commerçant­s d’ici ont évidemment dû s’adapter. Mais plusieurs ont saisi l’occasion. « Avant, on attendait la première neige avant d’aller magasiner pour le temps des Fêtes, poursuit Mme Rivard. Il y a trois ans, la neige n’était même pas arrivée à moins de trois semaines avant Noël ! Et l’engouement habituelle­ment manifesté par les consommate­urs tardait lui aussi à se manifester. Le Vendredi fou est devenu le déclencheu­r. C’est une bonne nouvelle parce que les commerçant­s ont plus de temps pour atteindre des objectifs intéressan­ts dans la période du tournant de l’année. »

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