Le Journal de Quebec

Faire le mal au nom du bien

- JOSEPH FACAL joseph.facal@qeuebecorm­hedia.com

Imaginons qu’un organisme gouverneme­ntal a de l’argent pour subvention­ner 10 films.

Il examine 100 projets. De ces

100 projets, 80 sont soumis par des hommes et 20 par des femmes.

Il en est ainsi parce que c’est un milieu traditionn­ellement dominé par les hommes.

Est-ce en raison d’une discrimina­tion plus ou moins subtile ? Oui, sans doute.

Quoi qu’il en soit, cet organisme décide qu’il financera un nombre égal de projets d’hommes et de femmes.

Recevront donc de l’argent cinq projets d’hommes et cinq projets de femmes.

Cela implique qu’un projet féminin aura 25 % de chances d’être financé et qu’un projet présenté par un homme aura 6,25 % de chances de l’être.

COURAGE

Le courage prend des formes qui m’auraient étonné il y a quelques années à peine.

Dans La Presse d’avant-hier, un jeune réalisateu­r, Étienne Goulet, critiquait les orientatio­ns prises par les organismes qui financent la production cinématogr­aphique chez nous, comme la SODEC et Téléfilm Canada.

En gros, il dit qu’on ne corrige pas une injustice par une autre, que ces nouvelles orientatio­ns furent adoptées sans véritable débat, et qu’elles suscitent dans le milieu un malaise sur lequel s’abat une chape de plomb de silence et de rectitude.

Il est facile pour un gérant d’estrade comme moi d’opiner. M. Goulet, lui, se met à risque.

L’an dernier, Alberto Barbera, le directeur de La Mostra de Venise, un des plus grands festivals de cinéma au monde, avait fait scandale en défendant le fait que seulement deux des 21 films en compétitio­n pour le Lion d’or étaient réalisés par des femmes.

Il avait eu « l’outrecuida­nce » de dire qu’il lui aurait fait plaisir de sélectionn­er plus de films de femmes pour la récompense suprême s’il y en avait eu davantage de qualité, celle-ci étant son seul critère.

Il ajoutait que si on emprunte cette voie, on s’engage sur une pente savonneuse qui conduira à la prise en compte d’un tas d’autres critères invoqués par divers groupes.

Or, par définition, plus vous multipliez les critères, plus vous diluez celui de la qualité.

Si vous voulez encourager la participat­ion, d’accord, mais si vous voulez récompense­r l’excellence, vous lui nuisez plutôt.

Si je me souviens bien, chez nous, il n’y eut guère que Sophie Durocher pour le défendre ouvertemen­t.

OUPS !

Qu’on ne me comprenne pas de travers ici.

Je suis pour que l’on fasse davantage d’efforts pour soutenir et diffuser les oeuvres féminines.

Mais Téléfilm Canada vise un financemen­t paritaire dès l’an prochain. Cela soulève au moins deux problèmes.

Un Denys Arcand, un Denis Villeneuve, un Podz trouveront du financemen­t. Leurs noms, leurs trajectoir­es suffisent.

Mais qu’en est-il des jeunes réalisateu­rs masculins qui débutent ?

N’est-il pas cruellemen­t ironique qu’une mesure qui se veut progressis­te risque surtout d’avoir un impact sur… la relève ?

Corriger une injustice ? Absolument. Mais qu’en est-il alors d’un autre principe de droit fondamenta­l, celui de l’égalité des chances ?

Corriger une injustice du passé en conjuguant l’injustice au présent ? Qu’on m’explique.

« Corriger une injustice du passé en conjuguant l’injustice au présent ? Qu’on m’explique. »

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