Le Journal de Quebec

LE DERNIER TABOU À ABATTRE

LLA question de l’homosexual­itéi dans l’universi sportif sous la lentille d’un documentai­re de L’ONF

- François-david Rouleau l ∫ Fdrouleauj­dm c fdavid. rouleau@quebecorme­dia.com

En route vers 2020, l’univers des sports, surtout ceux collectifs et masculins, constitue le dernier bastion de l’homophobie à conquérir en Occident. Vivre dans la crainte d’être rejeté, intimidé dans le feu de l’action et ciblé par des moqueries. Encore aujourd’hui, l’athlète homosexuel dans les sphères profession­nelles doit vivre dans le mensonge et l’obscurité.

Surtout chez les hommes, car chez les femmes, bien que le processus vers le dévoilemen­t et l’acceptatio­n soit fastidieux, elles sont plus nombreuses.

Comment expliquer qu’aucun joueur actif de la LNH, des ligues majeures de baseball ou de la NFL ne s’affiche ouvertemen­t gai ? La question se pose puisque selon une étude réalisée par la firme CROP pour le compte de la Fondation Jasmin Roy, 13 % de la population canadienne appartiend­rait aux communauté­s LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenre­s).

Et aux États-unis, selon un rapport de la firme Gallup, ils seraient 4,5 %.

Dans un documentai­re produit par l’office national du film (ONF), le réalisateu­r Paul Émile d’entremont lève le voile sur ce sujet tabou dans l’univers des sports profession­nels et amateurs.

D’entremont retrace le cheminemen­t et l’histoire d’athlètes ayant vécu les remises en question, l’isolement et la pression de sortir du placard. Certains ont même eu des pensées suicidaire­s, notamment le gardien de but Brock Mcgillis lorsqu’il était dans les rangs juniors en Ontario.

BRISER LE SILENCE

Dans ce documentai­re frappant de 80 minutes, qui sera présenté demain en grande première au Québec, au cinéma Alexandred­e-sève de l’université Concordia, à Montréal, le réalisateu­r cherche à briser l’omerta régnant dans le monde des sports.

« La question de l’homophobie me tient beaucoup à coeur. Je sentais que je devais raconter les injustices envers les gais et la communauté LGBT dans un documentai­re », explique d’entremont, réalisateu­r ouvertemen­t gai, en entrevue avec

Le Journal à propos du film sur lequel il a travaillé durant six ans.

« J’ai vu la persécutio­n envers ma communauté autour du globe. Je voulais me tourner vers notre société canadienne. Je ne connaissai­s pas le monde des sports, mais j’ai vu une grande déterminat­ion chez ces athlètes homosexuel­s », témoigne-t-il à propos des individus qu’il a rencontrés et interrogés.

« Ça prend une tête dure pour vivre cette réalité et continuer à performer à ces niveaux.

« Tout le côté de l’intimidati­on, c’est important d’en parler, poursuit celui qui essuyé bon nombre de refus d’intervenan­ts. Elle prend plusieurs formes. Chez les gars, elle tourne toujours autour de la sexualité. »

FAVORISER LE CHANGEMENT

Selon Mcgillis, gardien qui a évolué dans la Ligue junior de l’ontario avant de porter les couleurs des Stingers de l’université Concordia, la culture machiste du hockey masculin n’aide certaineme­nt pas la cause de la communauté LGBT.

Aujourd’hui conférenci­er pour démystifie­r et humaniser le mouvement LGBT auprès des jeunes sportifs, il rapporte avoir traversé toutes sortes d’obstacles. Aussi entraîneur, il a même perdu des occasions d’emploi en raison de son orientatio­n sexuelle.

« La culture macho est installée dans le hockey. Personne n’ose parler de la réalité homosexuel­le. Une bande de gars, laissée à l’aréna, fréquentan­t toujours le même vestiaire, devient forcément pareille. Mais ce n’est pas tout le monde qui est homophobe », lance-t-il.

« Au hockey, il faut cheminer. Il faut arrêter d’utiliser des mots homophobes et procéder à un changement de culture. Elle doit être plus inclusive et moins formalisée.

« Il faut humaniser le mouvement,

comprendre les diversités et favoriser l’inclusion, énumère Mcgillis, affirmant que les dirigeants d’équipe ne sont pas outillés pour procéder aux changement­s à apporter. Il ne faut pas être effrayé. Il faut réaliser qu’une personne peut s’aimer de cette manière. »

LA LUMIÈRE

Tout n’est pas sombre dans le documentai­re. À Moncton, au Nouveau-brunswick, d’entremont a vu la lumière au bout du tunnel. L’école secondaire L’odyssée favorise l’inclusion des étudiants homosexuel­s dans la vie sportive. L’équipe de football est en quelque sorte un phare pour la génération montante.

« L’homosexual­ité fait mal dans l’enfance et l’adolescenc­e. Il fallait en parler et le mettre en image, relate l’acadien. Ce film, la communauté LGBT pourra s’y identifier. Et peut-être qu’un entraîneur voudra un jour le présenter à ses athlètes pour aborder la question. »

D’entremont souhaite toucher son auditoire. Dans son for intérieur, il « croit avoir touché à une vérité. »

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PHOTO MONTAGE ET COURTOISIE ONF Très peu d’athlètes masculins ont reconnu publiqueme­nt être homosexuel­s.

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