Une ligne à ne pas franchir
J’ai fait ma vie comme entraîneur-chef au hockey et j’en ai dirigé des équipes. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais été témoin de situations aussi déplorables que celles dont sont accusés Mike Babcock et Bill Peters.
Les Flames ont confirmé hier que Peters ne serait pas de retour à la barre de l’équipe. On dit que ce dernier a démissionné, mais entendons-nous, c’était ça ou le congédiement.
Je n’en reviens pas de ce qu’on entend présentement.
Comment un entraîneur, Mike Babcock de surcroît, a-t-il pu croire que demander à un jeune Mitch Marner de dresser une liste des joueurs de la formation en les classant du plus au moins travaillant, pour ensuite aller la dévoiler aux joueurs de l’équipe, était une bonne idée ?
Et comment un autre entraîneur, Peters cette fois-ci, a-t-il pu de façon libre et consciente utiliser des remarques racistes envers un de ses joueurs, Akim Aliu, sans croire qu’il y aurait des conséquences un jour ? Et ça, c’est sans parler des allégations d’autres anciens joueurs de Peters qui ont révélé avoir été frappés par leur entraîneur.
« JEU PSYCHOLOGIQUE »
C’est complètement irréel. L’homophobie, le racisme et les abus physiques n’ont pas leur place dans notre société. Autant aujourd’hui qu’à l’époque. Point final.
On ne reverra ni Babcock ni Peters dans la LNH, j’en suis convaincu.
Ces allégations ont mené à une vague de dénonciations d’anciens joueurs. Michel Therrien a notamment été visé par Daniel Carcillo sur Twitter la semaine dernière, ce dernier lui reprochant d’avoir eu recours à un « jeu psychologique » envers ses joueurs lorsqu’il dirigeait les Penguins de Wilkes-barre/ Scranton dans la Ligue américaine de hockey.
L’entraîneur en moi n’a pas le choix de se garder une certaine réserve sur ces allégations. Comprenez-moi bien, je suis contre le harcèlement psychologique.
Par contre, le « jeu psychologique » ou « mind games » comme il l’a dit, ça peut vouloir dire plusieurs choses.
Être un entraîneur, ça consiste à aller chercher le meilleur de tes joueurs. Je suis conscient que parfois, certains exagèrent et profitent un peu trop de leur pouvoir. Cependant, la plupart tentent de pousser leurs joueurs au maximum afin d’en faire sortir le meilleur. Je connais Michel, et je sais comment il travaille avec ses joueurs.
C’est un motivateur qui sait sur quel bouton peser pour que ses athlètes soient au sommet de leur art.
BLÂMER L’ENTRAÎNEUR
Qu’un entraîneur soit virulent, ça fait partie du jeu. Certains joueurs ont plus de difficulté à vivre avec ce genre de comportement, mais ça ne veut pas nécessairement dire que ce sont les entraîneurs qui ont mal agi.
Pour les joueurs dont la carrière n’a pas fonctionné, il y aura toujours un coupable. Souvent, ce seront des entraîneurs avec qui ils ont eu moins d’affinités.
J’ai moi-même dirigé à une époque différente de celle d’aujourd’hui. Au niveau junior, les rivalités étaient extrêmement intenses et il fallait trouver un moyen pour que tous les joueurs soient au top. Est-ce que je suis allé trop loin à certaines occasions ? Peut-être.
Mais jamais ça ne s’est rapproché de ce qu’on reproche à Babcock ou Peters.
LA LIGNE
C’est là, je pense, qu’il faut tracer la ligne, car il y en a une, je crois, entre le fait de vouloir travailler dans la tête de ses joueurs afin d’en soutirer le maximum et utiliser des propos racistes ou des abus physiques.
Qu’on reproche à des entraîneurs de jouer des « mind games » dans le hockey mineur, c’est une autre chose. Mais chez les professionnels, quand jouer au hockey est ton travail et qu’on te paie pour obtenir le meilleur de toi-même chaque soir, je ne crois pas qu’on puisse reprocher aux entraîneurs d’utiliser des techniques pour le faire.
Ce qu’ont fait Babcock et Peters ne sera jamais acceptable. Ils vont vivre avec les conséquences de leurs gestes pour le restant de leur vie.
Mais qu’on ne compare pas leur comportement à celui d’entraîneurs passionnés qui veulent gagner. Elle est là, la ligne à tracer.