L’alliance de la mésentente
Imaginez faire partie d’une organisation où le membre le plus important accuse les autres d’être une bande de cheap et où un autre allié — presque aussi influent — proclame que la coalition n’est qu’une poule sans tête ! Ces joyeux lurons — les chefs d’état et de gouvernement de L’OTAN — se retrouvent à Londres cette semaine. Ça augure bien.
L’OTAN — la grande alliance militaire née des cendres de la Seconde Guerre mondiale et qui est parvenue à maintenir la paix en Europe depuis presque trois quarts de siècle — avait initialement pour mandat de contenir l’union soviétique.
La Russie a pris le relais après l’effondrement du régime communiste et s’est révélée — avec les assauts contre la Géorgie et l’ukraine, l’invasion de la Crimée et les cyberattaques contre pratiquement toutes les démocraties occidentales — fidèle aux appréhensions qu’inspirait L’URSS.
Pourtant, il y a à peine une dizaine de jours, les audiences au Congrès confirmaient que le président Trump « se fout de l’ukraine » et ne s’intéresse qu’aux « grosses affaires comme l’investigation des Biden menée par Rudy Giuliani ».
Si les États-unis — primus inter pares — montrent si peu d’intérêt pour l’alliance militaire, si peu d’intérêt pour la mission que s’étaient donnée en 1949 les douze membres fondateurs, dont le Canada, on comprend d’autant mieux que le président français conclue à la « mort cérébrale de L’OTAN ».
TOC TOC TOC ! IL Y A QUELQU’UN EN HAUT ?
Captivante interview que celle donnée par Emmanuel Macron au magazine britannique The Economist, si ce n’est que parce qu’elle change des analyses simplistes, résumées par les mêmes cinq cents mots, servies par l’actuel occupant de la Maison-blanche. Le président français appelle essentiellement à faire de l’europe beaucoup plus qu’un simple grand marché économique.
L’indifférence de l’administration Trump pour L’OTAN se traduit, à ses yeux, par une absence de « coordination de la décision stratégique des États-unis avec les partenaires de L’OTAN ». Par exemple, la Turquie — un membre de l’alliance — s’est lancée à l’assaut des Forces démocratiques syriennes, les alliés occidentaux contre les extrémistes de l’état islamique en Syrie, « sans planification ni coordination ».
Les Turcs se montrent d’ailleurs des partenaires de plus en plus douteux, qui — contre l’avis de tous au sein de l’alliance — ont renfloué leur arsenal militaire auprès des Russes en achetant leur système antimissile S-400. Avec en tête, encore une fois, l’objectif premier de L’OTAN, impossible de ne pas voir avec suspicion les étroites relations entretenues par Recep Tayyip Erdogan, le président turc, avec Vladimir Poutine qu’il a rencontré huit fois… cette année seulement.
FAITES VOTRE PART !
Donald Trump persiste à considérer que L’OTAN lui coûte trop cher et lui rapporte trop peu. Il reste obsédé par l’idée que les autres pays membres accroissent leurs dépenses militaires jusqu’à 2 % de leur PIB, ce que seulement six pays — hormis les ÉtatsUnis et sans le Canada — ont réussi à faire jusqu’à maintenant. Attendez-vous à d’autres sourires crispés lors de ses rencontres bilatérales avec la chancelière allemande ou les premiers ministres danois, italien… et canadien.
Par ailleurs, si la logique qui a donné naissance à l’alliance tient de moins en moins, d’autres défis peuvent être envisagés collectivement, dont la montée en puissance de la Chine et sa présence de plus en plus forte en Afrique et dans l’arctique.
Soixante-dix ans, c’est un âge vénérable pour une alliance militaire. Historiquement, elles durent beaucoup moins longtemps et elles ne sont jamais aussi efficaces que l’a été — et l’est toujours — L’OTAN. On peut tout remettre en question, mais il y a de ces acquis qui n’ont pas de prix. Comme la paix, par exemple.