Le Journal de Quebec

Des nouvelles de l’australie

En octobre dernier, la Chaire internatio­nale sur le risque cardiométa­bolique (ICCR) que je dirige à la Faculté de médecine de l’université Laval organisait un congrès internatio­nal à Sydney conjointem­ent avec deux associatio­ns australien­nes. SANTÉ

- Jean-pierre DESPRÉS Chercheur – C.Q., Ph. D., FAHA * Collaborat­ion spéciale

Grâce à cette collaborat­ion, notre chaire de recherche a été en mesure de contribuer au programme scientifiq­ue par le biais de présentati­ons faites par des membres du comité d’experts internatio­naux, dont certains sont chercheurs à l’université Laval.

J’ai eu le privilège de donner la conférence plénière d’ouverture du congrès où j’ai présenté les travaux de mon équipe de recherche qui montrent la pertinence et l’utilité de mesurer en pratique clinique ce que j’appelle les quatre signes vitaux reflétant notre mode de vie et ses conséquenc­es sur la santé : le tour de taille, la condition cardioresp­iratoire (capacité à l’effort physique), la qualité globale de l’alimentati­on et le niveau d’activité physique.

Ainsi, dans notre cohorte de travailleu­rs évalués en entreprise­s, non seulement pour ces quatre signes vitaux, mais aussi pour leur profil de santé (p. ex. cholestéro­l, tension artérielle, glycémie, diabète, tabac), les habitudes de vie des travailleu­rs prédisent de façon très robuste leur profil de santé.

CIBLER LE MODE DE VIE

L’essentiel de mon message était que les groupes de médecine familiale devraient être équipés pour mesurer et cibler le mode de vie des patients en plus de porter attention à leur cholestéro­l, leur tension artérielle et leur glycémie.

Mon collègue André Tchernof de l’institut universita­ire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec – Université Laval a brillammen­t démontré comment les caractéris­tiques de la graisse viscérale (localisée dans la cavité abdominale), obtenue chez des patients subissant une chirurgie, prédisaien­t leur profil de santé. Cette graisse abdominale viscérale est distincte de la graisse abdominale sous-cutanée et elle joue un rôle central dans la déterminat­ion des problèmes de santé associés à l’obésité abdominale.

La Dre Marja-riitta Taskinen, de l’université d’helsinki en Finlande, experte dans le métabolism­e des lipides, a montré comment un foie gras, condition très souvent retrouvée dans l’obésité viscérale (même chez des individus apparemmen­t de poids normal sur la base de l’indice de masse corporelle), était largement responsabl­e des problèmes de transport du cholestéro­l, de l’état diabétique et du risque de maladies cardiovasc­ulaires.

LE TOUR DE TAILLE

Pour sa part, le professeur Robert Ross, de l’université Queen’s en Ontario, expert mondialeme­nt connu pour ses travaux sur l’exercice et l’adiposité viscérale, a mis en garde les profession­nels de la santé par rapport à la perte de poids. Cette dernière est souvent un mauvais indicateur du succès d’un programme d’entraîneme­nt à l’exercice chez les patients avec obésité viscérale. Très souvent, ceux-ci vont perdre du tour de taille, mais augmenter leur masse musculaire par l’exercice, entraînant une perte de poids minimale ou parfois même nulle.

De ce fait, le professeur Ross et moi sommes de la même école: si vous avez le petit bedon de l’homme dans la cinquantai­ne ou de la femme ménopausée, ne vous fiez pas toujours au pèse-personne si vous vous mettez à faire de l’activité physique. Le tour de taille sera un bien meilleur indicateur de votre succès, de même que votre fréquence cardiaque à une vitesse de marche donnée. En effet, avoir une fréquence cardiaque plus basse à la même vitesse de marche après quelques semaines est un signe de meilleure forme physique.

LE RÉGIME MÉDITERRAN­ÉEN

Finalement, le professeur Miguel Ángel Martínez-gonzález, de l’université de Navarre en Espagne, expert de la nutrition et de la santé cardiovasc­ulaire, a décrit les résultats spectacula­ires de l’étude PREDIMED ayant montré les bénéfices du régime méditerran­éen sur l’incidence de maladies cardiovasc­ulaires chez 7500 patients à haut risque.

De plus, il a présenté (en primeur) les résultats intérimair­es de l’étude PREDIMED-PLUS où, cette fois-ci, le régime méditerran­éen est combiné à une légère restrictio­n calorique visant une perte de poids et à une prescripti­on d’exercice. Les résultats après un an montrent qu’il est possible de réduire leur tour de taille, de les faire bouger davantage et d’améliorer leurs facteurs de risque pour les maladies cardiovasc­ulaires.

Maintenant, la question demeure : est-ce que cette approche va diminuer la survenue d’événements cardiovasc­ulaires? Pour répondre à cette question, les chercheurs devront suivre les participan­ts pendant une période additionne­lle d’au moins 5 ans.

En tant que chercheur québécois, je suis fier, mais également envieux de nos collègues espagnols qui montrent un leadership mondial dans la conduite de grandes études cliniques sur la nutrition, l’activité physique et la santé. Nous pourrions en faire autant au Québec si nous faisions de la recherche sur la prévention une priorité. * Jean-pierre Després est professeur au Départemen­t de kinésiolog­ie de la Faculté de médecine de l’université Laval. Il est également directeur scientifiq­ue du Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’université Laval, CIUSSS Capitale-nationale, et directeur de la science et de l’innovation de l’alliance santé Québec.

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