Le Journal de Quebec

Jaggi Singh acquitté, faute d’avocat qui parle anglais

Aucun procureur n’était en mesure de faire une preuve dans cette langue

- NICOLAS SAILLANT

Près de deux ans et demi après s’être fait passer pour Michel Goulet, l’anarchiste Jaggi Singh a été libéré de toutes les accusation­s par le juge devant l’incapacité des procureurs de la Ville de Québec de tenir un procès en anglais.

Le militant arrêté à Québec, le 20 août 2017, lors d’une manifestat­ion contre l’extrême droite qui avait dégénéré, s’était présenté aux policiers sous le nom de Michel Goulet, ex-joueur des Nordiques, et avait donné comme adresse de domicile le Colisée. Il avait, plus tard, été accusé d’entrave à la justice et suppositio­n de personne.

Vingt-neuf mois après le dépôt des accusation­s, le procès de Jaggi Singh devait débuter hier matin, et ce, pour trois jours, mais le procureur en chef de la Ville de Québec, Me Steve Marquis, a indiqué qu’il n’était pas en mesure de procéder et demandait un report pour deux raisons.

D’abord parce que la procureure au dossier, Me Marie-hélène Guillemett­e, est en congé de maternité. Depuis l’automne, pas moins de cinq des 10 avocats de la Ville de Québec sont partis, en congé de maladie ou de maternité, a indiqué le procureur en chef.

La deuxième excuse de Me Marquis venait du fait qu’il n’est pas en mesure de faire le procès en anglais, disant être « très limité au niveau de [s]on anglais ».

Jaggi Singh, qui s’est exprimé en français pendant toutes les procédures, avait cependant demandé à parler en anglais, notamment pendant les plaidoirie­s. La loi exige dans ce cas que les échanges entre le juge et les procureurs se fassent uniquement en anglais, sans traducteur.

Tant Singh que le juge se sont dit « surpris » par le fait que le 17 octobre dernier, Me Guillemett­e a fixé un procès pour janvier sans jamais dire qu’elle quittait pour un congé de maternité. « Ce n’est pas une crise de coeur, a illustré le juge Bordeleau, c’est une question d’organisati­on. »

PAS DE PREUVE À OFFRIR

Cependant, c’est la question de l’anglais qui a mis la Couronne au pied du mur.

Après réflexion, le juge Bordeleau a rendu une décision dans laquelle il ordonnait aux procureurs de la Ville de tenir le procès en anglais sans délai.

« Je ne pourrai pas offrir de procès en anglais », a répété Me Marquis. « Est-ce que je dois conclure que vous n’êtes pas en mesure de faire de preuve ? » s’est assuré le juge. « Je ne peux pas faire un procès en anglais », a répété Me Marquis.

En conséquenc­e, le juge Bordeleau a immédiatem­ent annoncé l’acquitteme­nt de M. Singh sur les deux chefs d’accusation portés contre lui.

AUTOSABOTA­GE

L’accusé de 48 ans, qui se défend seul, a accueilli sobrement la décision, sans manifester d’émotion.

En entrevue, il s’est dit convaincu que « la Couronne a autosaboté le procès en sachant qu’ils vont perdre si on fait un vrai procès ».

Jaggi Singh est reparti vers Montréal en autobus sans pavoiser, disant : « Ma lutte n’est pas dans les salles de cour, ma lutte, c’est de contrer l’extrême droite. »

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Le militant Jaggi Singh devait subir son procès d’une durée de trois jours, mais a été acquitté, hier, à la Cour municipale.
PHOTO STEVENS LEBLANC Le militant Jaggi Singh devait subir son procès d’une durée de trois jours, mais a été acquitté, hier, à la Cour municipale.

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