Le Journal de Quebec

Près de 4000 $ pour une garde de 24 h

Mal à l’aise face à cette situation, des chirurgien­s plasticien­s veulent que le montant soit revu à la baisse

- HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T

Des chirurgien­s plasticien­s dénoncent être payés près de 4000 $ par jour pour être de garde au CHUM, la plupart du temps sans rien faire. Mal à l’aise, ils réclament une baisse des honoraires.

« J’ai honte de dire ça », avoue anonymemen­t un chirurgien, à propos des honoraires de garde du Centre provincial d’expertise en réimplanta­tion (CEVARMU).

« TROP D’ARGENT »

« Il faut que ça reste dans la limite. C’est quand même de l’argent public », ajoute un autre médecin, qui a aussi requis l’anonymat pour éviter des conflits avec ses collègues.

Créé en 2003 au Centre hospitalie­r de l’université de Montréal (CHUM), le CEVARMU est unique au Québec. Tous les patients amputés qui ont besoin d’une réimplanta­tion (souvent d’un doigt) y sont transférés.

Dans le contexte, un médecin de garde est essentiel pour assurer la prise en charge rapide. Quatorze chirurgien­s plasticien­s spécialisé­s en microchiru­rgie (de la région de Montréal) se partagent l’horaire.

Le forfait de garde est de 3958,15 $ par jour (24 heures), soit le mieux payé au Québec, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Environ 1,45 million $ par an est payé en honoraires.

Chaque année, une centaine de patients y sont évalués, mais seulement la moitié reçoivent des soins. Ainsi, la plupart des gardes ne nécessiten­t aucune interventi­on. « Trois quarts sur quatre, le chirurgien ne fait rien », dit un médecin.

COMME UN « CLUB SOCIAL »

Selon lui, des chirurgien­s participen­t au programme uniquement pour l’argent.

« C’est rendu comme un club social ! Ils ne sont pas intéressés, mais ils sont là parce que c’est payant », dénonce-t-il. Il ajoute toutefois que plusieurs de ses collègues seraient d’accord pour baisser le forfait, mais que le sujet est tabou.

Un autre chirurgien avoue être mal à l’aise de faire en 24 heures le montant que ses collègues (infirmière­s, préposés) mettent des semaines à gagner.

« Ça crée des tensions énormes avec le personnel », avoue-t-il.

À noter que le forfait inclut la prise en charge : le médecin ne reçoit pas d’autre montant pour opérer. Durant la garde, les médecins n’ont pas le droit de facturer la Régie de l’assurance maladie du Québec. Ainsi, certains se tournent vers le privé, nous dit-on.

Dans un rapport d’audit interne remis en 2019 au MSSS, dont Le Journal a obtenu une copie, la rémunérati­on est qualifiée de « très avantageus­e ».

Fait troublant : des opérations refusées n’étaient ni documentée­s ni répertorié­es, lit-on. Certains patients refusés au CHUM ont même été ensuite opérés dans un autre hôpital.

PROGRAMME ESSENTIEL

Malgré cela, les deux chirurgien­s interrogés assurent que le programme doit rester.

« Baissons le montant, et ce sont juste les intéressés qui vont rester. Ça donnera la meilleure qualité de soins », dit l’un d’eux.

« J’aime faire cette chirurgie. On rend service aux patients, ajoute un autre docteur. […] Moins de 2000 $, ce serait une compensati­on décente. »

La direction du CEVARMU a refusé de commenter le dossier.

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PHOTO D’ARCHIVES, COURTOISIE CHUM Des chirurgien­s plasticien­s dénoncent que le forfait de garde de près de 4000 $ par jour est trop élevé dans le programme CEVARMU du CHUM, et demandent qu’il soit revu à la baisse.

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