Le Journal de Quebec

Les ados royaux au Canada

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote Sociologue, auteur et chroniqueu­r

Harry et Meghan, les deux ados attardés de la couronne britanniqu­e, ont décidé de s’établir au Canada. Ils veulent vivre libres, loin des pesanteurs monarchiqu­es, mais avec le portefeuil­le bien garni !

Ceux que la vie des gens riches et célèbres passionne se sont enthousias­més ! Le Canada, ce pays beige et terne, aura désormais son petit rôle dans la galaxie people. Enfin ! Ça s’émoustille à Toronto et à Vancouver !

La nouvelle est devenue politique, toutefois, lorsque la rumeur a voulu que le gouverneme­nt fédéral s’engage à assurer la sécurité du couple.

Les Québécois ont fortement réagi : pourquoi payeraient-ils pour cela ? Nous ne devrions pas être trop surpris : le Canada est formelleme­nt lié à la couronne britanniqu­e.

MONARCHIE

D’ailleurs, si les Québécois veulent s’en dégager et n’acceptent plus d’avoir pour chef d’état une reine étrangère, ils savent quelle est la solution : faire l’indépendan­ce et se constituer en république. S’ils le veulent, ils en ont les moyens et en sont capables. Mais cette question n’est pas vraiment d’actualité ces jours-ci…

Revenons à cette amusante affaire. Elle nous en dit beaucoup sur l’état de la monarchie. Au Royaume-uni, elle demeure une institutio­n fondamenta­le, au coeur de l’architectu­re symbolique du pays. Elle représente sa continuité historique. Les Britanniqu­es y sont légitimeme­nt attachés au-delà des clivages politiques et idéologiqu­es.

Au fil de l’histoire, la couronne a permis de rassembler les Britanniqu­es au-delà de leurs divisions. Cela exige toutefois que l’institutio­n soit à la hauteur de sa prétention et de sa mission. Cela a été le cas d’elizabeth II, quoi qu’on pense de la légitimité de sa fonction, qui incarne dignement son rôle.

Mais la crise d’adolescenc­e des deux excités qui défraient la chronique en ce moment nous rappelle que l’institutio­n tend de plus en plus à se recycler dans les catégories du vedettaria­t mondialisé.

En gros, la couronne, aujourd’hui, symbolise beaucoup moins le service exigeant de son pays qu’une série de privilèges immérités, au service d’oisifs certifiés, qui veulent bien jouir du prestige et des avantages financiers venant avec leurs titres, mais qui n’acceptent plus d’assumer les responsabi­lités qui devraient les accompagne­r. C’est tout le problème avec Harry et Meghan.

Sans le moindre doute, la couronne elle-même a joué le jeu de la peopolisat­ion, avec les mariages princiers des dernières années. Il faut dire que les médias de toute la planète ont contribué à l’intégratio­n des têtes couronnées dans le star-system.

VEDETTARIA­T

Apparemmen­t, il fallait commenter l’événement, la tenue de la mariée, les robes des demoiselle­s d’honneur, les prières sélectionn­ées et les chants célébrés. En d’autres mots, il fallait entrer dans la comédie monarchiqu­e et faire comme si cela nous concernait vraiment.

Dans un monde normal, on se contrefich­erait des tourments et galipettes des ados attardés de la couronne britanniqu­e qui se rêvent un destin de parasites chromés. Ou alors, on se contentera­it de se moquer d’eux. Mais notre voyeurisme semble plus fort que tout.

 ??  ?? On devrait se contrefich­er des têtes couronnées.
On devrait se contrefich­er des têtes couronnées.

Newspapers in French

Newspapers from Canada