Une vie qu’il ne faut pas cacher
Si vous aimez les dissertations identitaires de Mathieu Bock-côté, la définition de la sagesse à la Spinoza, l’existence religieuse à la Kierkegaard ou le pape Benoît XVI, le nouveau film de Terrence Malick, Une vie cachée, sera votre tasse de thé.
Il y a beaucoup en commun entre Benoît XVI et Franz Jagenstatter, le paysan autrichien qui est le héros du film. Benoît XVI l’a béatifié avant de prendre sa retraite dans son petit CHSLD romain. L’ex-pontife fut interné pour avoir fui la Wehrmacht nazie et Jagenstatter fut guillotiné pour avoir refusé d’y entrer et de prêter serment d’allégeance à Hitler.
Si vous êtes du type Star Wars ou si vous trouvez que le film Parasites est un chef-d’oeuvre, n’allez pas voir Une vie cachée. Vous allez vous ronger les ongles au sang. De toute manière, vous avez de bonnes chances de rater ce dernier film de Malick, car il n’est projeté que dans quelques rares salles. Le cinéma du Parc et Le Clap de Loretteville, par exemple.
UN FILM TROP LONG ?
À moins qu’il ne s’agisse d’une superproduction américaine, les films de près de trois heures trouvent difficilement preneur. Les exploitants de salles ne veulent pas d’un film trop long qu’ils ne peuvent montrer que deux fois par jour.
C’est vrai que cette oeuvre magistrale du réalisateur hors normes qu’est Terrence Malick est désespérément longue. Mais quoi couper ? Sûrement pas ces images grandioses des montagnes autrichiennes sous la neige ou dans la verdeur du printemps ? Pas plus qu’il ne faut couper les images bucoliques du labeur agricole d’un autre âge, accompli de peine et de misère avec l’aide d’un boeuf ou d’un âne.
Peut-être qu’on aurait pu raccourcir les innombrables séquences d’incarcération du héros dans des conditions d’une violence à se boucher les yeux et les oreilles. Mais ce fut le sort brutal réservé à l’infortuné objecteur de conscience.
IMAGES D’UNE GRANDE SPLENDEUR
Chaque image d’une vie cachée est un véritable tableau rappelant les maîtres anciens. On imagine facilement que ce maniaque de Terrence Malik a conçu son film, plan par plan, avant d’en confier la photographie à un directeur photo qui a dû mettre un temps fou à éclairer chaque scène.
Tous les acteurs, en particulier August Diehl (rôle principal), sont d’une telle vérité qu’on se croirait dans un documentaire. Ni lui ni Valérie Pachner, qui joue sa femme, ne ménagent leurs efforts pour rendre la vérité de leurs personnages. J’ai rarement vu des acteurs faire preuve d’une telle générosité.
J’AI FAILLI FAIRE UNE TRÊVE
Je suis sorti du film assommé, complètement subjugué par ce qui m’a paru être une allégorie du Christ lui-même. Après avoir regardé Une vie cachée, n’en pouvant plus de tant de lumière, de tant de dépassement et de démesure dans l’amour et la détermination, je m’étais promis de faire une trêve et d’oublier le cinéma pour quelque temps.
Malgré cela, hier, en fin de journée, je suis allé voir 1917, que ma collègue Sophie Durocher, dans sa chronique d’hier, a qualifié, non sans raison, de chef-d’oeuvre.
Tout autant qu’une vie cachée, 1917 montre bien la bêtise de la guerre, les questions existentielles de 1917 en moins.