Le Journal de Quebec

La vertu d’un virus

- JOSEPH FACAL josephfaca­l@quebecorme­dia.com

Le COVID-19 se propage.

Dans les pays où la contagion est avancée, comme en Italie, la peur s’est répandue aussi vite que le virus.

Dans la plupart des pays touchés, les autorités semblent réagir correcteme­nt : elles comprennen­t que la pire chose serait de ne pas dire toute la vérité.

C’est quand l’humain pense qu’on lui ment que les rumeurs, les faussetés et les théories du complot se répandent.

ARROGANCE

Il ne viendrait à l’esprit de personne de se réjouir de ce qui se passe.

Un proverbe dit pourtant :

« À quelque chose malheur est bon ».

Oui, un malheur peut avoir des conséquenc­es positives.

Connaissez-vous le mythe grec de Prométhée ?

Prométhée dérobe aux dieux le feu pour l’offrir aux humains. Il leur enseigne ainsi la métallurgi­e et tout ce que la maîtrise du feu permet.

Très fâché, Zeus punit l’insolent Prométhée en l’enchaînant à un rocher au sommet d’une montagne.

Tous les jours, un aigle lui dévore le foie, qui repousse, ce qui ramène sans fin l’aigle affamé.

On a longtemps interprété ce mythe comme un hommage à la connaissan­ce et à l’audace.

Les interpréta­tions modernes y voient plutôt une mise en garde contre l’arrogance et l’imprudence d’un homme qui s’est pris pour un dieu, qui a cru qu’il pouvait tout.

Or, l’homme moderne est devenu plus qu’un Prométhée.

C’est un Prométhée déchaîné, pour reprendre la célèbre formule du grand philosophe allemand Hans Jonas.

L’arrogance de l’homme moderne est sans borne.

Il pense que tout lui est dû, qu’il peut tout, qu’il ne doit se contenter d’aucune limite.

Il asservit tout à ses goûts et à ses caprices.

Il ignore les faits qui ne lui conviennen­t pas.

Il saccage son unique habitat et en épuise les ressources.

Il manipule sa propre biologie sans se questionne­r sur le bien et le mal.

Après voir cloné des brebis, certains voudraient cloner des humains.

L’homme moderne se croit au-des

L’infiniment petit fait peur à des humains qui s’étaient crus infiniment grands.

sus d’une nature qu’il peut exploiter à sa guise, et non comme une partie de celle-ci.

C’est un apprenti sorcier qui se prend pour un petit dieu.

Les plus optimistes – ou les plus naïfs ? – pensent que la technologi­e va nous sauver.

Ils ne voient pas que la technologi­e n’est ni meilleure ni pire que l’humain qui l’utilise, et qu’elle peut même se retourner contre nous, comme en témoignent les réseaux sociaux et le rétrécisse­ment de la vie privée.

HUMILITÉ

Puis, soudaineme­nt, cet arrogant personnage est ébranlé, attaqué, déboulonné par un petit ennemi invisible et microscopi­que.

Il ne l’a pas vu venir, ne le comprend pas bien, ne sait pas comment il va évoluer, ne dispose pas d’un remède.

Alors, il a peur.

Alors, il prend conscience de sa fragilité, de sa vulnérabil­ité, de sa nudité fondamenta­le, de la relativité des moyens dont il dispose.

L’infiniment petit fait peur à des humains qui s’étaient crus infiniment grands.

Si cette crise nous fait réaliser nos limites, notre mortalité, et si elle nous rend plus modestes, plus humbles, moins arrogants, alors elle n’aura pas été inutile.

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