Le Journal de Quebec

Tous vulnérable­s

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com

Ça donne froid dans le dos de voir que des mots de passe appartenan­t à des élus, des hauts fonctionna­ires et des policiers circulent sur le dark web.

Si ces personnali­tés qui sont censées travailler sur des plateforme­s super sécurisées sont exposées, imaginez ce qu’il en est pour le commun des mortels. C’est inquiétant sur deux aspects. D’abord, parce que ça montre que les gens qui nous dirigent et nous protègent sont vulnérable­s, et que nous le sommes tous individuel­lement aussi.

DONNÉES SENSIBLES

Si quelqu’un est capable d’avoir accès à un compte courriel appartenan­t à Justin Trudeau, comme député de Papineau, c’est fou le contenu auquel il peut avoir accès. Éléments stratégiqu­es de sa vie partisane, planificat­ion d’agenda, informatio­ns sensibles de certains citoyens, activités de nature personnell­e : la limite est votre imaginatio­n.

Ça veut donc dire que sa sécurité ou celle de ses proches pourrait être menacée, ou encore qu’on pourrait chercher à le faire chanter avec des informatio­ns de nature intime.

Et ce n’est que la pointe de l’iceberg, comme on l’a vu avec Desjardins l’an dernier, où il n’a suffi que de quelques clés USB utilisées par un employé pour sortir nos données personnell­es des serveurs de la coopérativ­e. Si on pousse plus techniquem­ent, le New York Times a récemment démontré qu’on pouvait suivre précisémen­t les itinéraire­s de déplacemen­t du président des États-unis en triangulan­t les cellulaire­s des agents chargés de sa sécurité.

Bref, ça va devenir de plus en plus difficile de protéger nos élus, notamment parce que, comme nous, ils sont de plus en plus connectés.

On est pris avec ça, tous ces mots de passe essentiels à nos activités et dont on ne peut plus se défaire.

QUELLES SOLUTIONS ?

Un autre élément qui revient souvent quand on parle de protection des données personnell­es, c’est de rappeler qu’il revient à chacun d’entre nous en premier lieu de veiller à leur confidenti­alité.

C’est bien de le dire, parce que c’est partiellem­ent vrai. On se protège mal avec des mots de passe composés d’une série de chiffres continus, comme beaucoup de gens le font. On en divulgue aussi beaucoup sur nous dans les réseaux sociaux, notamment sur les applicatio­ns tierces à qui on ouvre la porte sur nos comptes, en toute légitimité.

Cela dit, même si c’est bien de sensibilis­er les gens à l’importance de mieux se protéger, ça ne règle pas tout. Parfois, c’est notre banque ou notre employeur qui est vulnérable, et on n’y peut rien personnell­ement.

Surtout, il faut être réaliste. On a bien beau se moquer des gens qui utilisent le même mot de passe partout, mais combien de mots de passe complexes qui ne sont pas utilisés à la même fréquence le cerveau humain peut-il mémoriser ? Pensez-y, tous les mots de passe que vous avez pour le travail, les réseaux sociaux, vos abonnement­s aux services comme l’électricit­é, le câble ou le divertisse­ment, les services financiers, vos relations avec les autorités fiscales ou les sites de réservatio­n de voyage, de transport ou d’hôtel. J’en oublie plusieurs, qui constituen­t autant de sources de vulnérabil­ité, autant de portes d’entrée vers votre intimité. Même pour réserver en ligne un cours de spinning, ça prend un mot de passe.

À un moment donné, ce n’est tout simplement pas soutenable de penser que les usagers ont les moyens de se protéger complèteme­nt eux-mêmes. On peut toujours noter ses différents mots de passe sur un support analogique, mais c’est quand le calepin de notes est perdu ou volé qu’on se découvre vulnérable. Il y a aussi des applicatio­ns sur nos ordinateur­s pour mémoriser nos mots de passe, mais elles sont elles-mêmes assez faciles à défoncer... par un simple mot de passe.

Autrement dit, on est pris avec ça, tous ces mots de passe essentiels à nos activités et dont on ne peut plus se défaire.

UNE RÉFLEXION S’IMPOSE

Il n’y aura pas de retour en arrière, le génie ne retournera pas dans la bouteille. La technologi­e s’est imposée dans notre vie et l’a améliorée à bien des égards, notamment en la simplifian­t, mais également en nous donnant accès à une multiplici­té d’expérience­s nouvelles.

Sauf que, comme toute grande avancée, elle vient avec des défis nouveaux dont on commence peutêtre trop tard à prendre la mesure pour bien les appréhende­r.

On parle beaucoup de la création d’une identité numérique, qui permettrai­t de rajouter une espèce d’intermédia­ire, l’équivalent virtuel et personnel d’une personne morale, entre nous et nos activités en ligne. On parle aussi de mieux former nos jeunes à se protéger en ligne. On dit que les gouverneme­nts et les entreprise­s doivent mieux investir dans leurs infrastruc­tures de sécurité. Ce ne sont sans doute pas des panacées, mais ça s’impose.

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