Le Journal de Quebec

Une année sans patron à la SQ !

- Jean-louis Fortin Directeur du Bureau d’enquête

Pouvez-vous croire que ça fait maintenant plus d’un an que le plus gros corps policier de la province, la Sûreté du Québec, n’a plus de grand patron ?

Le 6 mars 2019, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a créé toute une commotion en annonçant que le directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme, avait été suspendu.

Cet homme à la réputation sans tache était visé par « une allégation relative à des infraction­s criminelle­s », s’est alors contentée d’affirmer la ministre. Depuis, aucune autre explicatio­n officielle.

Martin Prud’homme est donc contraint de rester chez lui, payé environ 220 000 $ à ne rien faire, le temps que l’enquête à son sujet aboutisse.

Les mois passent et la brume s’épaissit.

Son nom a même disparu de la liste officielle des titulaires d’emplois supérieurs, qui se trouve sur le site web du ministère du Conseil exécutif.

Coup de fil de mon collègue, Alexandre Robillard, à la Sûreté du Québec, cette semaine. Le corps policier n’a pu nous communique­r que les deux informatio­ns suivantes :

√ M. Prud’homme touche toujours son salaire.

√ Il dispose encore de sa voiture de fonction et de son chauffeur.

C’est tout.

ENQUÊTE SERMENT

Au cours des 12 derniers mois, notre Bureau d’enquête a travaillé d’arrache-pied pour que les Québécois ne soient pas tenus dans le noir. Nous avons découvert ce qui suit :

√ Martin Prud’homme a été suspendu dans la foulée de l’enquête Serment, que mène le Bureau des enquêtes indépendan­tes (BEI). Ce projet s’intéresse aux fuites d’informatio­ns de l’unité permanente anticorrup­tion (UPAC) dans les médias, ainsi qu’à la façon dont les enquêtes étaient menées au sein de L’UPAC.

√ On reprochera­it à Martin Prud’homme d’avoir eu des communicat­ions inappropri­ées avec l’ex-patron de L’UPAC, Robert Lafrenière, pendant que l’enquête Serment battait son plein. Bien sûr, aucune de ces allégation­s n’a encore été prouvée en cour.

√ Il faudra être patient pour que cette fameuse enquête Serment aboutisse. En date du 20 janvier dernier, les limiers affectés à ce dossier n’avaient même pas encore pris connaissan­ce de l’entièreté des documents amassés depuis trois ans.

√ Serment coûte cher aux contribuab­les. Pas moins de 736 000 $ de fonds publics y avaient été engloutis en date du 8 août 2019.

Cette semaine, le ministère de la Sécurité publique n’était pas en mesure de donner à ma collègue, Marie Christine Trottier, des chiffres plus récents.

PATIENCE...

Depuis, deux patrons par intérim se sont succédé à la SQ.

D’abord, Mario Bouchard, dont notre Bureau d’enquête a révélé qu’il avait négocié en catimini avec son propre employeur pour lui vendre des chevaux, alors qu’il était DG adjoint. Il a pris sa retraite en décembre.

Puis Johanne Beausoleil, une civile qui dirigeait auparavant le service de vérificati­on interne de la SQ.

La ministre Guilbault prône la patience.

« Il faut attendre les résultats de l’enquête, et, si l’enquête blanchit M. Prud’homme, oui, il pourrait revenir, parce que c’est son poste », a-t-elle dit le 27 novembre dernier.

Et vous, accepterie­z-vous d’être mis de côté par votre employeur pendant tout ce temps, sans savoir ce qu’on vous reproche ?

Les Québécois méritent d’avoir l’heure juste.

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PHOTO D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Martin Prud’homme, directeur de la SQ, est suspendu avec solde depuis un an.
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