Le Journal de Quebec

Le retour du nationalis­me

- DENISE BOMBARDIER

Le prix à payer est très élevé. En effet, il aura fallu cette pandémie pour que les Québécois prennent conscience, en subissant un choc semblable à une électrocut­ion, que notre souveraine­té culturelle peut et doit s’étendre à l’économie.

Fini la hargne contre les « Anglais » qui a alimenté très longtemps notre nationalis­me. Fini le complexe d’infériorit­é qui n’a plus sa raison d’être dans le Québec de la tolérance et de la modernité. Fini la longue plainte qui trahissait notre statut de peuple victimisé.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ, les Québécois ont poussé d’énormes soupirs de soulagemen­t. Enfin, leur gouverneme­nt les comprenait, ne les prenait pas de haut, ne les accusait pas à tort et à travers de pratiques suffixées avec

-phobe, qui les humiliaien­t et les blessaient, les laissant sans mots pour répliquer.

Le Québec, société distincte, se heurtera aux limites de ses pouvoirs.

SOLIDARITÉ

Les Québécois ont constaté depuis le début de la pandémie que leur gouverneme­nt, contrairem­ent à ceux des autres provinces, s’appliquait à maintenir avec les citoyens un lien affectif permanent. Avec pédagogie, le premier ministre explique, s’émeut et renvoie une image forte et valorisant­e de la solidarité québécoise. Avec vision, mesure, transparen­ce, prudence, il réussit à imposer des contrainte­s auxquelles la grande majorité se soumet sans coup férir.

Lorsque le ministre Fitzgibbon, pur produit du Québec inc., explique la politique économique grâce à laquelle nous accéderons à une reprise indispensa­ble, il se permettra des envolées aux accents nationalis­tes quasi lyriques. Il parlera sans le nommer d’« achat chez nous », thème cher au chanoine Groulx, qui a mené ensuite au slogan « maîtres chez nous » de Jean Lesage, justifiant la nationalis­ation de l’électricit­é, qui aura nourri, elle, le nationalis­me progressis­te du Parti québécois.

La souveraine­té-associatio­n, cette ambiguïté à l’image même de René Lévesque avec sa question référendai­re, se conclura par l’échec de 1980. La souveraine­té à la manière de Jacques Parizeau en 1995 sera la mise à mort symbolique du rêve brisé.

François Legault, ex-péquiste, n’a jamais renié ses conviction­s profondes. La CAQ, sous sa gouverne poursuit dans l’ambiguïté et l’ambivalenc­e passées la vision du Québec, société distincte. N’étant pas joueur comme Lévesque, il ne mise pas sur une transforma­tion structurel­le du Québec. Il prend plutôt acte, à l’aise avec la realpoliti­k.

DYNAMISME

Voilà que la vulnérabil­ité sanitaire du Québec vient d’éclater. Cela lui permet de retrouver un nationalis­me dépouillé de sentimenta­lisme. Un nationalis­me qui s’inscrit dans le dynamisme économique du Québec des PME. Désormais, nous allons produire chez nous et pour nous. D’abord les instrument­s sanitaires et les médicament­s produits par d’autres.

Cette révolution – car c’en est une – s’étendra grâce à nos producteur­s et nos industriel­s à des champs d’activités que nous avons laissés à la mondialisa­tion, dont nous étions entichés jusqu’à l’aveuglemen­t.

Or le Québec, société distincte par sa façon de mener le combat contre la COVID-19, se heurtera aux limites de ses pouvoirs. Ce Québec, désormais plus sûr de lui-même, pourrait avec sa nouvelle génération de politicien­s décomplexé­s redécouvri­r les attraits d’une souveraine­té-associatio­n avec un Canada où les autres provinces songent déjà à des réaménagem­ents pour elles-mêmes.

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