Le Journal de Quebec

Jouets pour adultes

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Non, je ne parle pas de jouets sexuels pour pimenter votre confinemen­t.

Je parle de jouets qui provoquent, dans les milieux universita­ire et collégial, une fièvre plus puissante que celle qui accompagne la COVID-19. Elle peut durer… une vie.

Je laisse de côté l’enseigneme­nt primaire et secondaire que je ne connais pas.

IMPRO

Dans les université­s, dans les cégeps, on s’autocongra­tule beaucoup ces temps-ci.

Il est vrai qu’on semble avoir réussi à improviser un enseigneme­nt à distance qui devrait permettre de finir la session actuelle tant bien que mal.

J’ai un enfant au collégial et un autre à l’université. Psychologi­quement, dans le contexte actuel, ils ne sont plus là, en plus de n’être guère captivés quand un prof lit ses notes de cours devant sa petite caméra ou envoie des textes.

Peu d’échanges, peu de dynamique collective, zéro chaleur humaine.

Il faut être privé de la salle de cours pour voir le vide immense qu’elle laisse, pour voir que la quincaille­rie technologi­que ne parvient pas à recréer cette expérience collective si particuliè­re.

Ne me comprenez pas de travers: les improvisat­ions actuelles valent mieux que de ne rien faire, et je ne nie pas les intéressan­tes possibilit­és de l’enseigneme­nt en ligne. Je dis autre chose.

Je dis que, depuis des années, au Québec et ailleurs, certains avancent que la technologi­e permettra une « réinventio­n » de l’école, un enseigneme­nt « innovant », une libération de tous les potentiels… et patati et patata.

Pour eux, c’est un véritable projet de société, et tant pis si l’introducti­on massive des tablettes et des écrans tactiles au primaire et au secondaire a donné des résultats plus que mitigés.

La crise actuelle est, pour ces chantres du numérique, une occasion en or, un point de non-retour, la chute du mur de Berlin pédagogiqu­e.

Ces gens ne sont pas des technophil­es. Ce sont des technolâtr­es.

Les technologi­es éducatives sont, pour eux, un Dieu à idolâtrer, une divinité devant laquelle se prosterner.

Si vous critiquez, vous brisez un tabou, vous commettez un sacrilège.

Ils vous traiteront de « technophob­e » de manière aussi automatiqu­e et convaincue que d’autres lancent « islamophob­e » ou « homophobe ».

Mais ils le feront sur le ton de l’évidence, du gros bon sens, du « ben voyons », ou avec un brin de pitié condescend­ante, comme si vous étiez un demeuré…

Sans le dire ouvertemen­t, ils rêvent d’une transition généralisé­e et irréversib­le vers l’enseigneme­nt à distance.

Imaginez, wow, ne plus avoir affaire à des étudiants en chair et en os, hormis ceux des cycles supérieurs qui peuvent servir d’assistants de recherche. Le nirvana !

UTOPIE

La vérité toute simple est que ces outils ne conviennen­t pas à tous les types de contenus et de styles pédagogiqu­es.

S’y enfoncer pour de bon, c’est accepter de renoncer, plus ou moins explicitem­ent, à une bonne partie de ce qui fait l’essence du métier de professeur.

Évidemment, si ce professeur se perçoit surtout comme un chercheur, le problème est déjà réglé dans sa tête.

Ce qui se fait ces jours-ci ne remplacera jamais l’enseigneme­nt traditionn­el. Cela vaut pour quelques semaines, mais pas pour des sessions entières.

Chaque époque, on dirait, a besoin de ses utopies.

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Ce qui se fait ces jours-ci ne remplacera jamais l’enseigneme­nt traditionn­el

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