CAE a mis de côté le scénario « rose » pour la reprise dans l’aéronautique
Son grand patron, Marc Parent, espère quand même rappeler rapidement les salariés qui ont été mis à pied
Dans certains segments, la multinationale montréalaise CAE jouit de parts de marché de 80 %. Une situation enviable qui le devient beaucoup moins quand l’industrie tombe en chute libre.
« Il y a des parallèles à faire avec le 11 septembre 2001, l’épidémie de SRAS ou la crise financière de 2008, mais cette fois-ci, l’impact sur l’aéronautique est plus grand, c’est certain », tranche Marc Parent, PDG de l’entreprise de simulateurs de vol et de services de formation pour les équipages.
La demande mondiale pour le transport aérien a chuté brutalement de plus de 70 % en quelques semaines à peine. Au Canada et en Europe, la dégringolade atteint 90 %. On s’attend à ce que plusieurs compagnies aériennes déclarent faillite au cours des prochains mois.
2600 MISES À PIED
CAE a réagi en mettant à pied 2600 de ses 10 500 salariés, dont 1500 sur 4000 à Montréal. Des réductions de salaire de 20 % à 50 % ont été décrétées pour les cadres, et de 10 % pour les employés non syndiqués. Le dividende versé aux actionnaires a été suspendu jusqu’à nouvel ordre.
Les gouvernements soutiennent qu’il faudra encore des mois de distanciation sociale pour juguler la pandémie. Voilà qui n’augure rien de bon pour l’industrie aérienne. M. Parent se montre prudent quand on lui demande comment il entrevoit la reprise de l’aviation.
« Je ne peux pas dire le temps que ça prendra, dit-il. Je ne m’aventurerais pas. Mais il faudra certainement des mois avant qu’on retourne au même niveau d’activité qu’on avait avant, ça, c’est sûr. »
L’analyste Benoit Poirier de Desjardins s’attend à ce que les revenus de CAE au cours des 12 prochains mois atteignent 2,8 milliards $, soit 30 % de moins que ce qui était prévu jusqu’à tout récemment.
« On ne table pas sur un scénario qui est rose, on table sur un scénario qui est réaliste », admet Marc Parent.
« CAE entre dans la crise avec un très solide carnet de commandes et nous nous attendons à ce que la majorité des simulateurs commandés soient livrés puisque les compagnies aériennes ne voudront pas perdre leurs dépôts. Par contre, les nouvelles commandes seront réduites significativement », estime l’analyste Cameron Doerksen de la Financière Banque Nationale.
BIEN BRANCHÉ À OTTAWA
Au cours des derniers jours, le grand patron de CAE a eu plusieurs conversations avec des ministres fédéraux afin de s’assurer que l’entreprise se qualifie pour la subvention salariale d’ottawa, de façon à pouvoir rappeler rapidement des travailleurs.
« La crise va passer, le trafic aérien va revenir et on veut être prêts quand ça va arriver », affirme-t-il.
M. Parent a bon espoir de convaincre les transporteurs aériens qui n’auront plus les moyens d’acheter des simulateurs de confier à CAE l’entraînement de leurs pilotes. L’entreprise exploite des centres de formation sur tous les continents.
« C’est quelque chose qui va être très attrayant pour beaucoup de compagnies à travers le monde, prédit-il. Elles paieront pour les simulateurs seulement quand elles les utiliseront. »
Entre-temps, CAE maintient 90 % de ses activités militaires, qui sont jugées essentielles par les gouvernements. Ce secteur représente près de 40 % de ses revenus.
Et l’entreprise a de grandes ambitions pour le respirateur artificiel qu’elle a mis au point à toute vapeur pour aider les hôpitaux. Pas moins de 150 travailleurs québécois ont été rappelés ou le seront bientôt pour produire les 10 000 appareils commandés par Ottawa.
« On est certainement ouverts à en exporter dans d’autres pays, indique Marc Parent. Notre motivation, c’est de sauver des vies. »
« AUSSI DURE
QUE SERA CETTE CRISE, TOUTE CRISE A UNE FIN. » – Marc Parent, PDG de CAE