Le Journal de Quebec

« ELLE A ÉTÉ SACRIFIÉE »

Lise Giroux, morte de la COVID-19 dans un CHSLD

- DOMINIQUE SCALI

« Elle a été sacrifiée », dit le fils d’une patiente décédée de la COVID-19, dimanche. Il croit que sa mère serait encore en vie si elle n’avait pas été transférée en CHSLD afin de libérer des lits dans les hôpitaux.

« C’est une question de principe : on n’envoie pas les gens à l’abattoir », s’indigne Daniel Rouleau en entrevue avec Le Jour

nal au lendemain du décès de sa mère. Lise Giroux, 80 ans, a contracté la COVID-19 au Centre d’hébergemen­t Yvon-brunet, à Ville-émard, une des résidences de la métropole aux prises avec une importante éclosion du virus.

L’établissem­ent comptait 94 cas hier, dont 17 décès, selon le Ciusss-du-centre-Sud-de-l’île-de-montréal.

Mme Giroux est entrée au Centre hospitalie­r de l’université de Montréal (CHUM) le 27 février après avoir fait quelques chutes dans son appartemen­t. Les médecins lui ont alors découvert une panoplie de problèmes, notamment au foie et au pancréas.

Se doutant qu’elle serait en perte d’autonomie une fois sortie, sa famille l’a inscrite sur la liste d’attente pour un CHSLD du quartier Centre-sud.

Elle commençait à prendre du mieux quand on lui a annoncé qu’elle ne pouvait plus rester au CHUM, raconte M. Rouleau.

« On me l’a dit comme ça : elle devra quitter plus vite que prévu parce qu’ils ont besoin de places à l’hôpital », relate-t-il.

TROP TARD

Depuis le début de la pandémie, des centaines d’aînés traités à l’hôpital ont été transférés dans des CHSLD afin de libérer des lits pour faire face à la vague de coronaviru­s.

Vendredi, le gouverneme­nt a annoncé qu’il mettait fin à cette pratique, les éclosions en CHSLD étant maintenant le principal défi du système de santé québécois. Mais il était déjà trop tard pour Lise Giroux.

Comme il n’y avait pas encore de place dans le centre de son choix, elle a été transférée au CHSLD Yvon-brunet, le 26 mars.

Le personnel a alors assuré à M. Rouleau que « tout était beau », qu’il n’y avait pas de contagion dans cet établissem­ent.

Le 5 avril, Lise Giroux apprenait qu’elle était atteinte de la COVID-19. Dimanche, elle est décédée.

AVOIR SU...

« Avoir su, j’aurais dit non. Je l’aurais amenée chez nous, lâche-t-il. Je suis fâché parce qu’on ne m’a pas dit la vérité », croitil. L’homme précise ne pas en vouloir aux employés du centre, mais plutôt au système.

Il a commencé à avoir des doutes sur les risques de contaminat­ion quand il a appris que sa mère pouvait encore se promener dans les corridors du centre et que bon nombre de résidents le faisaient.

« Ça n’a pas de bon sens », s’exclame -t-il. Mercredi, M. Rouleau et son frère se sont rendus à l’extérieur du centre avec une échelle afin de poser une affiche dans la fenêtre de leur mère : un dessin d’arc-enciel réalisé par sa petite-fille.

Samedi, il a pu voir son visage pour la dernière fois via Skype. « Je pense qu’elle se doutait qu’elle allait partir. »

ENCORE DE BELLES ANNÉES

Cette femme était « la personne qui aidait tout le monde », résume-t-il. Malgré ses difficulté­s à marcher, elle avait encore plusieurs belles années de vie devant elle.

« Elle était foutue en arrivant là-bas [au centre] », résume-t-il. Si elle avait été gardée à l’hôpital, « elle serait avec nous aujourd’hui, j’en suis sûr à 100 % ».

Au CHUM, on dit suivre les directives du ministère sur les transferts. Aucun n’a d’ailleurs eu lieu dans les derniers jours, indique la conseillèr­e en communicat­ions Sylvie Robitaille.

De son côté, le Ciusss-du-centre-sud-de-l’île-de-montréal explique ne pas pouvoir commenter le dossier spécifique de Mme Giroux.

« Mais toutes les décisions sont prises dans le but de protéger la sécurité des usagers et du personnel », assure le porteparol­e Jean Nicolas Aubé.

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- SON FILS, DANIEL
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PHOTOS CHANTAL POIRIER ET COURTOISIE Daniel Rouleau, fils de Lise Giroux (en médaillon) devant le centre Yvon-brunet, où une fourgonnet­te venait chercher les dépouilles d’autres victimes, hier. Sur la photo en mortaise, l’échelle qu’il a installée le 8 avril pour voir sa mère à travers la fenêtre de sa chambre, quatre jours avant qu’elle décède.

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