Friends thérapie
On est tous junkies d’une série. Une valeur sûre qu’on réécoute en boucle. La mienne, c’est Friends. Et depuis un mois, je rechute grave. Suis-je normal? Apparemment, oui. Une psychologue m’a même confié qu’il s’agissait d’une « saine régression ».
Au cours des cinq dernières semaines, ma consommation de la populaire sitcom a grimpé de manière alarmante. Tellement qu’elle épouse la courbe de propagation du coronavirus qu’on souhaite désespérément aplatir : plus le nombre de cas augmente, plus je m’enfile des épisodes avant d’aller me coucher.
Pour expliquer mon addiction, je dois – tel un épisode flash-back – remonter le temps.
J’ai découvert Friends par hasard en 1994, en tombant sur NBC un jeudi soir. Encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de difficulté à expliquer ma dépendance quasi instantanée. Parce qu’en secondaire 2, j’étais loin d’être bilingue. Au départ, je devais regarder chaque épisode 3 fois pour comprendre 75 % des blagues. Voilà pourquoi j’aime dire que j’ai appris à parler anglais avec Rachel, Monica, Phoebe, Joey, Chandler et Ross.
UNE PREMIÈRE
Les séries anglophones ne m’avaient jamais intéressé avant Friends. J’étais un habitué du Price is Right de Bob Barker, mais côté fiction, je suivais presque
exclusivement des feuilletons made in Québec. Hormis l’occasionnel épisode de Beverly Hills 90210 doublé en français international, ma culture télévisuelle se résumait aux
Filles de Caleb,
Chambres en ville,
Jamais deux sans toi, Scoop et Lance et compte.
Friends m’a accompagné jusqu’au Barreau, juste avant mon certificat en journalisme, durant mes années les plus formatrices.
ATTACHEMENT PROFOND
Pour exprimer mon attachement profond aux personnages, je serais tenté d’écrire des phrases clichées qui repiquent les paroles de I’ll Be There for You, la chanson-thème des Rembrandts. Je pourrais également lancer des références nichées que seuls les vrais fans décoderaient, avouer que j’ai (très) mal vécu la première rupture de Ross et Rachel, ou encore raconter comment j’ai pleuré à m’embrouiller la vue en regardant la grande finale du 6 mai 2004. Mais je vais me garder une petite gêne, histoire de conserver un semblant de crédibilité.
Grâce aux coffrets DVD, je n’ai jamais été en manque de Friends. Les incessantes rediffusions télé et Netflix m’ont également gardé sous influence, particulièrement depuis que l’épidémie de COVID-19 domine nos vies.
SUIS-JE NORMAL ?
Heureusement, cette dépendance serait inoffensive, m’indique Christine Grou, présidente de l’ordre des psychologues du Québec. « En psychologie, on parle d’une saine régression, c’est-à-dire qu’on retourne en arrière, qu’on revisite des souvenirs heureux pour relâcher la tension qu’on ressent actuellement. »
D’après la Dre Grou, la musique produit le même effet. Nos chansons préférées, comme nos séries fétiches, celles qui « ont construit notre identité », sont d’une aide précieuse en temps de crise. « Souvent, elles nous rappellent des moments de bien-être, quand on était en lien avec des gens qu’on aime, précise la psychologue. Elles nous donnent un sentiment d’appartenance, de continuité, de stabilité. Elles nous ancrent solidement au sol au moment où tout le monde perd un peu ses repères. »
Au nom de mon équilibre mental, merci Friends de perdurer. Tu mérites quatre applaudissements rapides (les vrais savent).