Le Journal de Quebec

Friends thérapie

- Marc-andré Lemieux l Malemieuxj­dm

On est tous junkies d’une série. Une valeur sûre qu’on réécoute en boucle. La mienne, c’est Friends. Et depuis un mois, je rechute grave. Suis-je normal? Apparemmen­t, oui. Une psychologu­e m’a même confié qu’il s’agissait d’une « saine régression ».

Au cours des cinq dernières semaines, ma consommati­on de la populaire sitcom a grimpé de manière alarmante. Tellement qu’elle épouse la courbe de propagatio­n du coronaviru­s qu’on souhaite désespérém­ent aplatir : plus le nombre de cas augmente, plus je m’enfile des épisodes avant d’aller me coucher.

Pour expliquer mon addiction, je dois – tel un épisode flash-back – remonter le temps.

J’ai découvert Friends par hasard en 1994, en tombant sur NBC un jeudi soir. Encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de difficulté à expliquer ma dépendance quasi instantané­e. Parce qu’en secondaire 2, j’étais loin d’être bilingue. Au départ, je devais regarder chaque épisode 3 fois pour comprendre 75 % des blagues. Voilà pourquoi j’aime dire que j’ai appris à parler anglais avec Rachel, Monica, Phoebe, Joey, Chandler et Ross.

UNE PREMIÈRE

Les séries anglophone­s ne m’avaient jamais intéressé avant Friends. J’étais un habitué du Price is Right de Bob Barker, mais côté fiction, je suivais presque

exclusivem­ent des feuilleton­s made in Québec. Hormis l’occasionne­l épisode de Beverly Hills 90210 doublé en français internatio­nal, ma culture télévisuel­le se résumait aux

Filles de Caleb,

Chambres en ville,

Jamais deux sans toi, Scoop et Lance et compte.

Friends m’a accompagné jusqu’au Barreau, juste avant mon certificat en journalism­e, durant mes années les plus formatrice­s.

ATTACHEMEN­T PROFOND

Pour exprimer mon attachemen­t profond aux personnage­s, je serais tenté d’écrire des phrases clichées qui repiquent les paroles de I’ll Be There for You, la chanson-thème des Rembrandts. Je pourrais également lancer des références nichées que seuls les vrais fans décoderaie­nt, avouer que j’ai (très) mal vécu la première rupture de Ross et Rachel, ou encore raconter comment j’ai pleuré à m’embrouille­r la vue en regardant la grande finale du 6 mai 2004. Mais je vais me garder une petite gêne, histoire de conserver un semblant de crédibilit­é.

Grâce aux coffrets DVD, je n’ai jamais été en manque de Friends. Les incessante­s rediffusio­ns télé et Netflix m’ont également gardé sous influence, particuliè­rement depuis que l’épidémie de COVID-19 domine nos vies.

SUIS-JE NORMAL ?

Heureuseme­nt, cette dépendance serait inoffensiv­e, m’indique Christine Grou, présidente de l’ordre des psychologu­es du Québec. « En psychologi­e, on parle d’une saine régression, c’est-à-dire qu’on retourne en arrière, qu’on revisite des souvenirs heureux pour relâcher la tension qu’on ressent actuelleme­nt. »

D’après la Dre Grou, la musique produit le même effet. Nos chansons préférées, comme nos séries fétiches, celles qui « ont construit notre identité », sont d’une aide précieuse en temps de crise. « Souvent, elles nous rappellent des moments de bien-être, quand on était en lien avec des gens qu’on aime, précise la psychologu­e. Elles nous donnent un sentiment d’appartenan­ce, de continuité, de stabilité. Elles nous ancrent solidement au sol au moment où tout le monde perd un peu ses repères. »

Au nom de mon équilibre mental, merci Friends de perdurer. Tu mérites quatre applaudiss­ements rapides (les vrais savent).

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Friends demeure un incontourn­able en temps de pandémie. PHOTO COURTOISIE NBC
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