Le dernier concert de Pierre Péladeau
Pierre Péladeau était fou de musique. Beethoven, Mozart et Schubert le faisaient « tripper ». Moi, c’était Elvis Presley et les Beatles.
Je mettrais ma main au feu que c’est à cause de son nom de famille qu’il fut attiré par sa première femme. Chopin, quel nom prédestiné pour un fou de la musique ! En plus, Raymonde Chopin avait de tels talents de chanteuse qu’elle aurait pu faire une carrière professionnelle. En fallait-il plus pour que le jeune Pierre Péladeau en tombe amoureux ?
Selon ceux qui l’ont connu, lors de ses études à Brébeuf puis à Mcgill, c’est le show-business qui l’attirait bien plus que le monde des affaires. Vers 1944, il avait organisé une tournée du pianiste prodige André Mathieu en Abitibi. Après un premier concert réussi à Amos, la tournée s’est terminée abruptement, André Mathieu ayant trop bu pour donner un deuxième concert à Val-d’or.
IL FAUT BIEN GAGNER SA VIE
De son propre aveu, c’est par dépit de ne pouvoir gagner sa vie comme imprésario que Pierre Péladeau acheta un premier journal de quartier, puis un autre et un autre pour finalement profiter de la grève au quotidien La Presse pour lancer Le Journal de Montréal le 15 juin 1964, pierre d’assise de ce qui allait devenir l’empire Québecor.
C’est à la fin des années 1970 que nous sommes devenus amis, Pierre et moi. Une ou deux fois par mois, nous mangions dans un petit resto de la rue Saint-denis, non loin du siège social de Québecor, installé au 225, rue Roy. Nos repas tournaient toujours autour des trois mêmes sujets : les femmes (la mienne en particulier, car Pierre aimait bien Louise Deschâtelets), nos enfants (les siens surtout, car il s’en inquiétait beaucoup), et la musique dont il était bien plus maniaque que moi.
Ses rêves de musique lui tenaient souvent plus à coeur que ses rêves d’affaires. Il adorait son pavillon des arts dans la petite église dont il avait fait l’acquisition sur le chemin Sainte-marguerite. Des concerts réguliers y étaient présentés. Nous en avons animé quelquesuns, Louise et moi. Mais sa grande joie, c’était l’orchestre métropolitain. Il avait décidé d’y consacrer un demi-million de dollars par an. C’est vous dire.
Ses rêves de musique lui tenaient souvent plus à coeur que ses rêves d’affaires. Il adorait son pavillon des arts dans la petite église dont il avait fait l’acquisition sur le chemin SainteMarguerite.
LA 9E SYMPHONIE DE BEETHOVEN
Puis, il donna un million à L’UQAM pour la construction d’une salle de 875 places consacrée à la danse et à la musique. L’immeuble fut baptisé Centre Pierre-péladeau. Même s’il en avait été flatté, le rêve ultime de Pierre était d’y diriger l’orchestre métropolitain, ce qu’il fit de façon triomphale un soir de 1992 avec une maîtrise qui nous étonna tous.
Samedi dernier, 11 avril, jour anniversaire de la naissance de Pierre Péladeau, j’ai imaginé ce qu’il aurait pu faire durant notre triste période de confinement. Il aurait sûrement écouté cent fois la 9e symphonie de Beethoven pour s’imprégner à fond de la joie et de la fraternité qu’elle exhale.
Le premier soir du déconfinement, il aurait organisé un grand concert à la salle Pierre-mercure. Pierre Péladeau, ce fou de la musique, y aurait dirigé par coeur et sans partitions l’éclatante symphonie de Beethoven, sous l’oeil amusé de Yannick Nézet-séguin !
Hélas ! Pierre n’est plus là et le confinement continue.