La victoire comme seul but
Stirling Moss et Gilles Villeneuve avaient plusieurs points en commun
En Stirling Moss, décédé dimanche des suites d’une longue maladie à l’âge de 90 ans, la Formule 1 a perdu l’une de ses légendes.
Et pourtant, malgré un palmarès de 16 victoires (ce qui lui vaut le 16e rang de tous les temps) en 66 départs, le pilote britannique n’a jamais été titré dans la discipline-reine du sport automobile.
Si la plupart des observateurs l’ont décrit comme le champion sans couronne, Moss n’a jamais regretté de n’avoir pu obtenir cette ultime consécration.
« Je suis conscient que j’étais plus rapide que certains autres de mes adversaires qui ont gagné une couronne mondiale, avait-il déclaré il y a quelques années lors de l’une de ses dernières apparitions publiques. Mais, avait-il poursuivi, piloter pour n’inscrire que quelques points ne m’intéressait pas.
« Je préférais perdre en roulant vite plutôt que de gagner en conduisant lentement. »
DES ÉLOGES POUR LE PETIT PRINCE
En 1983, l’auteur de ces lignes avait été convié, en compagnie d’autres journalistes, à un événement réunissant Moss et une autre figure marquante de la F1, l’argentin Juan Manuel Fangio, au circuit Gilles-villeneuve.
C’était un an après le décès tragique du Petit prince à Zolder, en Belgique.
Fangio et Moss, jadis coéquipiers et rivaux, étaient venus participer au tournage du documentaire Formule Villeneuve, réalisé par Yves Hébert, qui allait être diffusé l’année suivante.
Au même titre que Fangio, quintuple champion du monde, Moss avait été élogieux à l’endroit de Gilles Villeneuve.
« Gilles avait cette qualité qui est donnée à des pilotes d’exception, avait affirmé Moss, celle de prendre tous les moyens pour réussir en F1. Peu importe la voiture qu’il avait entre les mains. Rarement on a vu un pilote aussi déterminé et courageux dans l’histoire. En fait, il était sans limite.
« Il est malheureusement arrivé trop tard en F1. À un moment où la machine supplantait l’homme. »
COMPARAISONS
Tout pour dire que le discours de Moss était semblable à celui de Villeneuve qui, lui non plus, n’acceptait pas les demi-mesures. Finir deuxième ne suffisait pas. La victoire était le seul but.
Villeneuve (six gains en F1) est un autre de ces pilotes que l’on pourrait qualifier de champion sans couronne.
En 1979, n’eussent été les consignes d’équipe qui allaient favoriser son coéquipier Jody Scheckter chez Ferrari, il aurait probablement été consacré. Comme en 1982, où, avant son accident fatal, il se dirigeait sûrement vers les grands honneurs.
Un autre exemple nous vient à l’esprit, celui de Ronnie Peterson, qui a accédé à la plus haute marche du podium à 10 reprises avant de perdre la vie au départ du Grand Prix d’italie 1979 au volant d’une Lotus.
En plusieurs occasions pendant cette année noire, le Suédois a dû, lui aussi, respecter des consignes au profit de Mario Andretti, qui allait assurer son championnat au terme de cette course funeste disputée à Monza.
MÉPRISER LE DANGER
Et on peut citer d’autres pilotes. Pensons notamment au Néo-zélandais Chris Amon, qui n’a jamais remporté un championnat ni même gagné un Grand Prix. Mais diable qu’il était doué !
Le mot de la fin appartient à Moss, pour qui la notion du risque prenait toute sa signification, comme Villeneuve d’ailleurs.
« Les F1 modernes sont de très belles monoplaces, disait-il, mais elles sont trop sûres. Le grand problème avec la sécurité, c’est que l’on en vient à mépriser le danger. Or, en course automobile, vous ne voulez pas avoir ce mépris. »
Moss a terminé au deuxième rang du championnat des pilotes de F1 à quatre reprises, de 1955 à 1958, dont les trois premières années derrière Fangio.