Requiem pour les salles de cinéma
Le coronavirus va signer l’arrêt de mort des salles de cinéma, mais est-ce si terrible ? Ce n’était qu’une question de temps avant que la plupart des salles ne ferment leurs portes.
Il restera des salles spécialisées avec l’équipement qu’il faut pour stimuler les cinq sens des spectateurs. On y présentera des blockbusters produits à coût de centaines de millions. Quelques salles miteuses aux fauteuils élimés continueront d’accueillir les cinéphiles nostalgiques et vieillissants.
Les salles ne disparaîtront pas d’un coup. En Chine où il y a 70 000 salles et où les cinémas maison sont plus rares qu’en Occident, ce n’est pas demain la veille qu’elles fermeront toutes. Même chose en Inde et dans plusieurs pays d’afrique où il existe des centaines de cinémas en plein air.
À Paris, les salles de cinéma sont encore très fréquentées. Mais c’est un phénomène particulier. On le doit en bonne partie au délai de 10 à 30 mois qu’impose le Conseil supérieur de l’audiovisuel entre la première projection d’un film en salle et sa diffusion à la télévision.
MAINTENU EN VIE PAR DU POP CORN
En Amérique du Nord, l’assistance en salle diminue d’environ 5 % par an depuis deux décennies. L’an dernier, 55 % des Américains répondant à un sondage ont dit préférer voir les films à la télé contre 13 % qui préfèrent les voir en salle. Un sur cinq s’accommode aussi bien d’une façon comme de l’autre.
Comment le cinéma en salle pourrait-il survivre à la pandémie, lui que le pop corn maintient en vie artificiellement depuis des années ? Sans les profits scandaleux qu’on fait sur le pop corn, les friandises et les boissons, Cineplex perdrait plus de 100 millions $ par an. Les films, qui sont la raison d’être des salles, comptent pour moins de 45 % des recettes.
La pandémie est en voie de faire disparaître le délai que s’imposaient la plupart des pays entre la sortie d’un film et sa diffusion à la télé. C’était une autre façon de garder les salles en vie. Ces délais seront-ils rétablis lorsque la situation redeviendra normale ? Ce serait suicidaire.
LE CINÉMA NE MOURRA PAS
La plupart auront découvert durant ces mois de confinement le plaisir de regarder un film dans la quiétude du foyer. Plusieurs cinéphiles curieux, dont j’étais, allaient au cinéma parce qu’ils n’avaient pas la patience d’attendre de le voir à la télé.
Combien d’entre nous voudront courir le risque de s’asseoir dans une salle de cinéma avant d’avoir été vacciné contre le virus ? Les 12 à 18 mois qu’il faudra pour créer un vaccin (si on y arrive) seront plus que suffisants pour me faire perdre à jamais l’envie de voir un film entre une personne qui croque du pop corn et une autre qui lit ses messages sur son cellulaire.
En Chine, le 23 mars, on a rouvert 500 salles de cinéma. Trois jours plus tard, les revenus totaux s’élevaient à moins de 3000 $, car il n’y avait eu qu’un seul spectateur par jour dans la plupart des salles. Elles ont toutes fermé de nouveau et le sont encore.
Le cinéma ne mourra pas de la disparition des salles. Bien au contraire. La télévision assurera sa pérennité et son financement. Grâce à elle, le nombre de cinéphiles augmentera de façon spectaculaire comme le laisse croire le succès actuel de toutes les plateformes payantes de films à la demande.
Le cinéma ne mourra pas de la disparition des salles. Bien au contraire. La télévision assurera sa pérennité et son financement.