Des pays disent non aux tricheurs
Certains États européens exigent que les entreprises qu’ils aident ne profitent pas des paradis fiscaux
Alors que la facture de la crise du coronavirus risque d’être très salée partout dans le monde, des pays ont décidé de fermer le robinet aux entreprises qui profitent des paradis fiscaux.
Le Danemark, un petit pays scandinave de 5,8 millions d’habitants, a annoncé à la fin avril qu’il ne verserait pas un sou d’aide reliée à la crise de la COVID-19 aux entreprises qui font des affaires chez lui, mais qui sont enregistrées dans des paradis fiscaux.
Le pays nordique va aussi refuser d’aider les firmes qui continuent de verser des dividendes à leurs actionnaires.
Un autre pays européen, la Pologne, a mis en place des mesures similaires au même moment. Les entreprises qui reçoivent l’aide de l’état pendant la crise doivent y payer leurs impôts sur place.
En France, le ministre de l’économie et des Finances, Bruno Le Maire, a emboîté le pas peu après en excluant des aides en trésorerie les entreprises ayant leur siège social ou des filiales dans les paradis fiscaux.
Aux États-unis, il n’y a pas à proprement parler de mesures contre les paradis fiscaux, mais le pays de l’oncle Sam a conditionné son aide aux entreprises à plusieurs critères. Celles-ci doivent notamment conserver un certain niveau d’emploi par rapport à l’avant-crise.
ET AU CANADA ?
Pendant ce temps, au Canada, le gouvernement de Justin Trudeau fait pleuvoir les milliards $ sur les contribuables et les entreprises, mais il louvoie sur la question des paradis fiscaux. Alors qu’il s’était dit d’abord favorable à des restrictions, il a semblé changer son fusil d’épaule cette semaine.
Le député fédéral néo-démocrate Alexandre Boulerice croit pourtant que le Canada ne devrait pas hésiter à s’inspirer de ce qui se fait en Europe pendant la pandémie. « Si vous trichez, si vous ne payez pas votre part qui nous permet de payer nos hôpitaux, nos écoles et les employés de l’état, alors vous n’avez pas le droit à de l’aide de l’ensemble des contribuables », juge-t-il.
Selon lui, les gouvernements d’ici se sont efforcés dans les dernières années de légaliser ce qu’il dépeint comme une tricherie organisée.
Plus sceptique, le professeur de fiscalité à HEC Montréal Jean-pierre Vidal pense que les mesures mises en place en Europe sont intéressantes, mais qu’elles ne seront probablement pas appliquées ici.
« Est-ce que ça ne voudrait pas dire qu’on empêcherait la plupart des compagnies de recevoir de l’argent ? » demande-t-il, à peine ironique.
Selon lui, le Canada hésite à agir parce qu’il est un bénéficiaire des paradis fiscaux. Selon des projections du Fonds monétaire international (FMI), la crise du coronavirus devrait coûter 9000 milliards $ à l’économie mondiale en 2020 et 2021.
ACTIFS DÉTENUS PAR LES ENTREPRISES CANADIENNES DANS LES PARADIS FISCAUX : 353 MILLIARDS $ DES DESTINATIONS PRISÉES : 1 LUXEMBOURG (90,1 MILLIARDS $) 2 BARBADE (64,1 MILLIARDS $) 3 BERMUDES (47 MILLIARDS $) 4 ÎLES CAÏMANS (39,6 MILLIARDS $) 5 BAHAMAS (27,1 MILLIARDS $)