Immersion au coeur de la détresse des Québécois
La journaliste du Journal a passé une soirée au bout du fil d’une ligne d’écoute
Les lignes d’écoute téléphonique ne dérougissent pas, la crise de la COVID-19 poussant de nouvelles personnes vers la solitude ou la détresse. Lejournal a eu un accès exclusif aux appels reçus par un écoutant, le temps d’une soirée.
« Aujourd’hui, j’ai fait le tour des lignes d’écoute du Québec. J’étais pas capable d’être toute seule », dit une voix fatiguée.
« J’ai passé la journée à attraper toutes les bouées de sauvetage que je pouvais. »
Si vous doutiez de la pertinence des lignes d’écoute, il suffit d’entendre un seul appel comme celui-là pour changer d’idée.
Afin d’accéder à cette boîte de Pandore, la représentante du Journal a eu droit à une formation éclair en écoute active avec Jonathan Brazeau, d’écoute Entraide, un organisme qui offre un service de soutien téléphonique pour tous.
Il a donc été possible d’entendre les appels et de faire un retour avec lui pour bien comprendre chacune de ses interventions, comme le font les apprentis bénévoles.
« Le gouvernement fédéral n’a pas aidé les gens comme moi, affirme une femme au bout du fil. Là, il reste une semaine au mois de mai. Je pense que je vais être capable de garder le contrôle de ma carte de crédit », espère-t-elle.
LE VIRUS TEINTE TOUT
Pendant la soirée, six personnes ont parlé à M. Brazeau, pendant plus d’une demi-heure dans certains cas. Sur les six appelants, quatre ont mentionné la crise sanitaire. Souvent, le virus et ses conséquences sont au coeur de leurs préoccupations.
« Je ne suis pas sorti depuis [la mi-mars] », soupire un homme.
Encore là, la lassitude est perceptible derrière son ton courtois.
« L’angoisse le matin, la peur… Les informations, c’est un coup dur pour moi à chaque fois », confie l’homme, qui s’accroche au fait que le nombre de morts tend à diminuer.
Depuis le début de la pandémie, l’association des centres d’écoutes du Québec observe une hausse de 25 % des appels reçus par ses membres et de 40 % de la fréquentation sur le web.
« C’est considérable », estime le coordonnateur Pierre Plourde.
DE LA PANIQUE À L’ISOLEMENT
« Au début [de la crise], les gens étaient vraiment stressés. Tu sentais la panique dans tous les appels », dit M. Brazeau. Puis le stress a fait place à l’isolement. Des gens qui n’avaient jamais utilisé ce service se tournent maintenant vers lui pour soulager leur solitude.
« Il a beau faire beau dehors, je trouve le temps long », dit un homme qui peine à se trouver une amoureuse dans ce contexte.
« La belle température, ça remplace pas la chaleur humaine. »
« Je vais aller chausser mes espadrilles et prendre une marche. Ça va tuer un peu le temps », ajoute-t-il. Les appels faits à une ligne d’écoute étant confidentiels, toutes les informations qui pourraient révéler l’identité des appelants ont été retirées.