Le Journal de Quebec

Quand l’asphalte passe avant les cerveaux

- Jean-denis Garon jean-denis.garon @quebecorme­dia.com Jean-denis Garon est professeur à L’ESG-UQAM

Si on se fie aux dernières annonces du gouverneme­nt Legault, les investisse­ments en infrastruc­tures seront au coeur de la relance économique.

Plusieurs projets déjà prévus seront accélérés. On parle ici d’écoles, d’hôpitaux, de CHSLD ou encore d’autoroutes.

Cette approche est politiquem­ent avantageus­e. Les infrastruc­tures sont comme une hypothèque. Les dépenses d’infrastruc­tures pompent de l’argent dans l’économie. Mais sur le budget du gouverneme­nt, on peut les amortir sur 30, 40 ou même 50 ans. Ce qui permet de dépenser sans nuire à l’effort de retour à l’équilibre budgétaire… du moins sur papier.

INVESTIR EN FORMATION

Il y a un petit problème avec ce plan. Avant la crise, nous avions une pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur de la constructi­on. De ce que je sache, ce problème ne s’est pas réglé de lui-même en trois mois.

Vous comprendre­z donc ma surprise de constater que Québec réinvestis­se si peu dans la formation. Ça devrait pourtant être prioritair­e !

Une première somme de 100 millions de dollars a été débloquée d’urgence il y a quelques semaines pour former les travailleu­rs en entreprise. De nouveaux montants sont dédiés à la formation de préposés aux bénéficiai­res.

Mais de façon plus générale, c’est le néant. L’asphalte passe avant les cerveaux.

Le fédéral doit aussi être sollicité. Nous recevons un transfert d’environ 921 millions $ annuelleme­nt pour le financemen­t de la main d’oeuvre.

L’entente a été négociée avant la crise et il faut la revoir. Ce montant ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan.

UN GRAND CHANTIER NATIONAL

Le Québec doit lancer un grand chantier national de formation de la main-d’oeuvre. Voici pourquoi. D’abord parce que la récession que l’on vit présenteme­nt sera plus longue que plusieurs pensent.

On ne sait pas combien de temps elle durera, mais on doit oublier la perspectiv­e d’une pleine reprise d’ici la fin de l’année.

Avec notre taux de chômage astronomiq­ue, de nombreux Québécois chômeront sur une longue période. Les qualificat­ions des travailleu­rs se déprécient avec le temps. Surtout lorsqu’on ne les a pas utilisées sur une longue période.

Ajoutons que le secteur des services a été mis complèteme­nt à terre par la récession. C’est une première, puisque lors des récessions plus « normales », c’est le secteur manufactur­ier qui prend le gros du coup.

Le secteur des services ne va pas repartir en trombe avec le déconfinem­ent. Oui, on ira se faire couper les cheveux. Mais les gens sont endettés et hésiteront à dépenser, spécialeme­nt dans les restaurant­s. Nous devrons aider beaucoup de travailleu­rs à se recycler.

DÉPENDANTS DES ÉTATS-UNIS

Beaucoup ont parlé de notre indépendan­ce alimentair­e ces derniers temps. D’autres se sont inquiétés de notre dépendance à la Chine. Mais on a trop peu parlé de notre dépendance aux États-unis.

Cette dépendance nous a beaucoup irrités dans le dossier des masques 3M. Même lorsque ces masques étaient fabriqués en Chine ou ailleurs, la plateforme logistique de 3M est aux États-unis. Ce qui donnait le droit au président Trump de couper notre approvisio­nnement.

Après la crise, certaines de nos entreprise­s voudront rapatrier certaines activités de production. Ces nouvelles activités seront automatisé­es. La robotique et l’intelligen­ce artificiel­le seront des réalités de plus en plus tangibles. Nos travailleu­rs doivent être prêts !

Les qualificat­ions des travailleu­rs se déprécient avec le temps

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