Un géant chinois plus présent en sol québécois qu’on le croit
Contrôlée par des multimilliardaires, Fosun veut de l’aide de nos gouvernements
Le deuxième actionnaire du Cirque du Soleil, le groupe chinois Fosun, est resté très discret depuis l’annonce des difficultés au Cirque. Cela n’en fait pas moins un investisseur important au Québec qui entend bien profiter de la crise du coronavirus.
Le géant de Shanghaï Fosun détient, depuis 2015, 25 % du Cirque du Soleil québécois. La pandémie a fait mal à l’entreprise, mais Fosun reste un acteur important en Chine et ailleurs dans le monde, selon Zhan Su, titulaire de la Chaire Stephen-a.-jarislowsky en gestion des affaires internationales à l’université Laval.
« C’est un groupe très diversifié. En réalité, ils sont dans tout », dit-il.
Les investissements mondiaux de Fosun, dont les revenus ont totalisé 26 milliards $ en 2019, gravitent autour de trois axes : la « santé » (industrie pharmaceutique, services médicaux), le « bonheur » (tourisme, consommation) et la « richesse » (assurances, placements).
Depuis 2015, c’est Fosun qui possède et contrôle notamment le Club Med, impliqué dans un projet avec le Groupe Le Massif dans Charlevoix. L’ouverture du premier Club Med au Québec est prévue pour décembre 2021.
PROJETS EN DIFFICULTÉ
En raison de la pandémie, mais pas uniquement, les projets où Fosun a des intérêts au Québec connaissent des difficultés. Malgré les profits de leur actionnaire, ils sont à la recherche d’aides de l’état.
Dès janvier, une pétition circulait pour qu’on cesse d’abreuver en fonds publics le Club Med dans Charlevoix. Québec et Ottawa ont déjà injecté plus de 142 millions $ autour du Massif en dix ans, a déjà rapporté Le Journal.
Contacté la semaine dernière, un porte-parole, André Roy, nous a indiqué que le chantier avait dû être arrêté en raison de la pandémie. Des hypothèques légales d’entrepreneurs inquiets ont été inscrites à la mi-mai.
« On a réussi à s’entendre avec nos sous-traitants pour rééquilibrer le budget », nous a-t-il assuré, vendredi.
Le Cirque, de son côté, traîne une dette colossale de plus d’un milliard $ US. Il a obtenu il y a deux semaines un prêt d’urgence de 200 millions $ US du ministère de l’économie. À la fin mars, le Cirque envisageait la faillite en raison de la baisse radicale de ses revenus.
Malgré l’aide de Québec, des travailleurs du Cirque n’ont toujours pas été payés.
DES ZONES D’OMBRE
C’est un milliardaire du nom de Guo Guangchang qui dirige Fosun. Sa fortune, selon Forbes, s’établissait à 6,2 milliards de dollars américains en 2020.
Adepte du taoïsme, il a été dépeint dans la presse comme le Warren Buffett chinois. Comme l’oracle d’omaha, il croit au secteur de l’assurance, qui lui permet de recueillir de l’argent sans payer pour investir.
Son parcours a des zones d’ombre. En décembre 2015, peu de temps après l’achat du Cirque du Soleil, il a disparu pendant quatre jours en Chine. Quand il a réapparu, Fosun a fait savoir qu’il avait « coopéré » avec des policiers dans une enquête sur une affaire de corruption.
Zhan Su estime qu’il est peu probable que la fortune de Fosun et de son président milliardaire se soit faite de manière parfaitement limpide.
En Chine, les règles sont parfois écrites après que se sont développés des secteurs de l’économie, explique-t-il.
« Entre nous, il doit y avoir des choses [grises] », dit-il.
VACCIN
L’ironie est qu’alors que Fosun réclame indirectement des aides publiques au Québec, la firme pourrait toucher le gros lot si elle remporte un pari. Elle s’est associée avec une entreprise allemande en mars pour développer un vaccin contre le coronavirus.
Le 19 mai, Bloomberg rapportait que Guo Guangchang disait s’informer tous les jours des développements à ce sujet. « Plus tôt il y a un vaccin, plus les gens vont être confiants et l’économie va récupérer », dit-il.
« Advenant un succès avant les autres, ça pourrait donner à Fosun une place beaucoup plus importante », souligne Zhan Fu.