Le Journal de Quebec

Le vivre ensemble ? Où ça ?

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Maudit qu’on est hypocrite, quand même…

Prenez l’expression « vivre ensemble ». On n’arrête pas de l’utiliser, depuis quelques années. « Le vivre ensemble », « Le vivre ensemble »… Or, on n’a jamais aussi peu vécu ensemble que maintenant !

HUIT MILLIARDS D’ÎLES

Regardez autour de vous. Vous trouvez qu’on vit ensemble, vous ?

Les communauté­s se referment chacune sur elles-mêmes, la mixité et le métissage sont perçus comme des crimes contre l’humanité, chacun brandit sa différence comme un drapeau.

MA race, MON sexe, MON genre, MON handicap, MON poids, MON âge, MON orientatio­n, MA religion, MON origine.

Il n’y a plus de citoyens, que des groupes, des clans, des tribus.

Les femmes noires lesbiennes non binaires dans un coin, les pure laine dans l’autre, les handicapée­s musulmanes voilées, les hommes blancs dans la cinquantai­ne, les albinos trans, les Nord-africains laïques, les propriétai­res de restaurant­s noirs, les féministes intersecti­onnelles qui organisent des ateliers non mixtes… Il est où, le vivre ensemble ?

Avant, la société était un continent. Maintenant, c’est un archipel. Chacun sur son île. Et aucun pont, aucun tunnel pour relier ces îles les unes aux autres.

La seule chose qui semble nous rassembler, maintenant, c’est une méfiance commune envers le gouverneme­nt et les figures d’autorité.

La police ? Raciste ! Les médias ? Menteurs ! Le gouverneme­nt ? Dictatoria­l ! L’école ? Un instrument d’endoctrine­ment !

LIBAAAAAAR­TÉ !

Sous la poussée des médias sociaux, qui encouragen­t la formation de chapelles, la société a explosé.

De moins en moins de gens sont capables de mettre de l’eau dans leur vin.

Le compromis est vu comme un signe de faiblesse, une preuve d’abdication.

On ne se parle plus, on monologue. On attend que l’autre ait fini de monologuer pour monologuer à notre tour.

« On joue au solitaire tout le monde en même temps », comme le chante Louis-jean Cormier.

Race contre race, idéologie contre idéologie, parti contre parti, génération contre génération, sexe contre sexe.

Chacun dans son coin.

Regardez l’actuelle pandémie.

C’est pourtant simple : c’est une question de santé publique, ça nous touche tous, faut se protéger et protéger nos proches !

Pas besoin d’être Einstein pour comprendre ça.

Mais non : c’est devenu un débat politique !

« Le gouverneme­nt veut brimer nos droits, libaaaaart­é, frères et soeurs, libaaaaaar­té ! »

Liberté de quoi, bozo ?

De tomber malade ? De contaminer les autres ? De nous ramener en arrière, de surcharger les hôpitaux et de foutre l’économie par terre ?

On n’est plus capable de se considérer comme membre d’une communauté, de faire partie de quelque chose qui nous dépasse, qui est plus grand que nous. Tout est ramené au niveau de notre nombril. L’individu est devenu l’alpha et l’oméga de la vie en société.

C’est ça que ça fait, des décennies passées à célébrer les droits individuel­s. Une société déglinguée.

Un casse-tête avec aucun morceau qui « fitte ».

Des équipes sportives formées de mercenaire­s et d’agents libres qui jouent chacun pour soi.

KENNEDY À L’ENVERS

Pauvre gouverneme­nt…

François Legault croyait que les citoyens feraient preuve de bon sens, qu’ils agiraient en bons voisins, qu’ils seraient responsabl­es…

Nous sommes en 2020, monsieur Legault !

Le citoyen, maintenant, n’est redevable qu’à une seule et unique personne : lui-même !

Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour votre pays, mais ce que votre pays peut faire pour vous.

François Legault croyait que les citoyens feraient preuve de bon sens...

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