Le Journal de Quebec

Batailles autour de la mémoire

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Un peu partout, on vandalise ou on déboulonne les statues de personnage­s liés à la colonisati­on ou à l’esclavagis­me.

Il est insuffisan­t de dire que le vandalisme n’est pas une réponse adéquate puisque la décision de retirer une statue est souvent prise par les autorités ellesmêmes.

Ces dernières ont aussi des attitudes différente­s.

« La République, disait récemment Emmanuel Macron, ne déboulonne­ra pas de statues. »

Il ajoutait :

« Nous serons intraitabl­es face au racisme, à l’antisémiti­sme et aux discrimina­tions, mais ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communauta­risme, en réécriture haineuse ou fausse du passé » et un « combat inacceptab­le quand il est récupéré par les séparatism­es ».

Aux États-unis, par contre, les autorités retirent la statue de Robert E. Lee ou le drapeau confédéré devant des assemblées législativ­es.

COMPLEXE

D’un côté, on peut plaider qu’enlever une statue n’efface pas le passé et qu’il y a des injustices plus urgentes à combattre.

De l’autre, l’histoire est écrite par les vainqueurs et ils s’y donnent le beau rôle.

D’un côté, ces statues peuvent blesser les descendant­s de ceux qui ont souffert sous le joug de l’homme glorifié.

De l’autre, elles font en sorte qu’on n’oublie pas, voire qu’on tire des leçons.

D’un côté, il est problémati­que de vouloir imposer la sensibilit­é d’aujourd’hui sur les mentalités de jadis.

Trouveriez-vous raisonnabl­e que, dans 300 ans, on nous reproche d’avoir pensé comme on pensait en 2020 ?

De l’autre, une statue, c’est plus qu’une mention dans un livre d’histoire. La statue exalte, glorifie, donne cette personne en exemple.

La mise en contexte est la première victime de la furie actuelle.

Il n’y a pas de statues d’hitler, car il fut le principal responsabl­e du pire génocide jamais commis.

Il y a des statues de George Washington, pour souligner son rôle immensémen­t positif, malgré qu’il possédait des esclaves, parce qu’en Virginie, à la fin du 18e siècle, tous les Blancs riches en possédaien­t.

Le cas de Washington est différent de celui de Ben Tillman, statufié lui aussi, sénateur de Caroline du Sud, qui faisait carrément des discours vantant le lynchage.

Victor Schoelcher, dont la statue a été attaquée, a certes tenu des propos qui ne passent plus aujourd’hui sur la mission civilisatr­ice des Blancs, mais il fit aussi adopter le décret abolissant l’esclavage en France en 1848.

Faut-il tenir compte de l’intention de ceux qui érigèrent la statue ?

La statue déboulonné­e d’edward Colston, à Bristol, en Angleterre, rend hommage à son immense contributi­on philanthro­pique à sa ville bien-aimée.

Mais il avait les moyens d’être généreux… à cause de son commerce d’esclaves. Pas simple…

SÉRÉNITÉ ?

Personnell­ement, je penche du côté du non-déboulonne­ment, de l’ajout de plaques explicativ­es proposant diverses interpréta­tions, et de l’érection d’hommages à des figures injustemen­t oubliées.

Idéalement, il faudrait prendre chaque décision sur la base d’une analyse fine faite par des spécialist­es.

Mais dans les université­s d’aujourd’hui, incubateur­s de tous les délires idéologiqu­es, vous aurez un mal croissant à trouver des spécialist­es objectifs de ces questions.

Pas facile, je vous disais…

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada