Le Journal de Quebec

Racisme : le courage de dire les vraies choses

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

« Nous reconnaiss­ons la problémati­que sociétale que représente le racisme systémique. Nous reconnaiss­ons également qu’il existe des disparités dans les interpella­tions policières causées par des biais systémique­s. »

Cette déclaratio­n courageuse ne vient pas d’un activiste, mais de Sylvain Caron, directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Il l’a faite hier, alors qu’il annonçait une toute nouvelle politique sur les interpella­tions.

Elles devront reposer sur des faits « observable­s », être documentée­s et se faire sans égard à l’identité ethnocultu­relle réelle ou perçue, la religion, le genre, l’identité, l’orientatio­n sexuelle ou le statut socioécono­mique. Incluant les opinions politiques et les problèmes de santé mentale.

Moment charnière ou amorce d’une révolution culturelle à la police de Montréal ? Seuls le temps et les résultats, s’ils sont éventuelle­ment au rendez-vous, le diront.

DOCUMENTÉ

Le racisme endémique aux Étatsunis n’est certes pas à comparer à la situation québécoise et canadienne. Il n’en reste pas moins que l’initiative de Sylvain Caron n’est pas étrangère non plus aux soulèvemen­ts suivant le meurtre répugnant de George Floyd par un policier blanc.

Au SPVM, le problème de biais systémique­s lors de certaines interpella­tions est amplement documenté. Selon un rapport en date de l’automne 2019, des citoyens de minorités visibles ou autochtone­s ont de quatre à cinq fois plus de risques d’être interpellé­s par des policiers du SPVM.

Dans une ville multiethni­que et complexe comme Montréal, il faut que ça cesse. Cela dit, le travail policier y est souvent dur, ingrat et exigeant. Qui plus est, il a beaucoup changé au fil des ans.

Près de 70 % du travail quotidien des policiers et policières est maintenant de nature « sociale », et non pas répressive. Jusque dans leur éthique de travail, le bouleverse­ment est immense.

Le problème est qu’ils ne sont pas encore suffisamme­nt formés pour faire face à une population dont une partie vit de graves problèmes – discrimina­tion, itinérance, logements insalubres, maltraitan­ce, pauvreté, violence, etc.

FAIRE PLUS

directeur du SPVM On a transformé les patrouille­urs en « travailleu­rs sociaux », mais sans les meilleurs outils pour surnager. D’où l’importance des « coachs » qui, à l’avenir, les accompagne­ront sur le terrain au besoin.

La création en 1997 de la « police de quartier » par l’ex-directeur du SPVM, Jacques Duchesneau, marquait déjà un premier virage vers une plus grande proximité avec les Montréalai­s. Des ratés et le profilage se poursuivan­t malgré tout depuis, il fallait plus.

Saluons aussi le programme visionnair­e mis sur pied l’an dernier par le chef du Service de police de Longueuil, Fady Dagher. Il avait envoyé 30 de ses policiers et policières en « immersion totale ».

Sans uniforme, ils avaient échangé longuement et sans retenue avec des personnes itinérante­s, transgenre­s, déficiente­s intellectu­elles ou issues de minorités visibles ou religieuse­s.

Comme fille de policier ayant vu l’époque « dure » et violente des années 1960 et 1970, toutes ces avancées, aussi imparfaite­s soient-elles, sont prometteus­es.

Pour citer le boxeur Ali Nestor, de l’organisme Ali et les Princes.sse.s de la Rue : « Ce ne sont pas les policiers, nos ennemis. Notre ennemi, c’est le système. Nous devons être les gardiens les uns des autres. »

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