Le Journal de Quebec

Nature mal aimée

- CLAUDE VILLENEUVE Analyste politique et rédacteur claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Au Québec, c’est connu, on est fier de notre territoire.

Des falaises cathédrale­s, taillées dans le Bouclier canadien et velues d’épinettes. Des vallées rondes et généreuses qui rappellent le ventre nourricier. Un front d’estuaire immense qui donne l’impression d’embrasser l’univers d’un seul regard. Une frontière nordique largement vierge et inexplorée.

Un territoire aquatique, aussi, une des plus grandes réserves d’eau douce au monde, tapis de forêt ponctué de lac Croche, de lac Vert ou de lac Noir d’où sautent les truites à la brunante.

C’est tout ça, le Québec. Et on en est fier. Mais pas au point d’en prendre soin.

PAS SURPRENANT

Vous avez vu le dossier du Jour

nal sur l’état des lacs au Québec ? Un bilan annuel qui rappelle que la vie est en train de disparaîtr­e de nombreux plans d’eau parce que plein de polluants y sont déversés, générant beaucoup de bactéries, qui tuent le reste. La situation ne va pas en s’améliorant.

L’alarme sonne depuis près de 15 ans, après la crise des algues bleu-vert. On a adopté il y a près de 20 ans une politique de l’eau qui a créé des comités de bassins versants dépourvus de moyens. Nous avions tenté d’attirer l’attention sur la question l’année dernière, mais rien n’a été fait. Le ministère de l’environnem­ent a réduit sa surveillan­ce des plans d’eau. Le gouverneme­nt Legault ne bouge pas : il se foutait déjà de l’environnem­ent avant la pandémie.

C’est choquant, mais pas surprenant.

« UN BEAU PAYS »

Ça, vous l’avez vu aussi aux nouvelles, ces sites naturels en Gaspésie, en Charlevoix et au Saguenay–lacSaint-jean, jonchés de bouteilles vides et d’excréments laissés par ceux qui se sont fait couper leur tout-inclus cette année.

Ça n’a jamais fait de camping de sa vie ; ça va s’acheter une tente au

Canadian Tire ; ça s’en va en région pour saloper le territoire ; ça laisse sa tente là parce que, maudit, les mouches, ça pique : « j’voyagerai pu jamais de même ! » ; ça revient chez soi en se disant qu’on a donc un beau pays.

Ça, c’est le Québec. On est tous choqués quand on voit des bougons salir les plages de la Gaspésie, mais on continue de laisser couler nos fosses septiques et nos déchets agricoles vers nos lacs.

Parce que, comme on aime la nature, quand on va vivre en campagne, bien, on veut une vue ! Au prix qu’on a payé... Alors on coupe les arbres, les joncs et les quenouille­s et on pose du gazon, parce que ça fait plus propre... c’est notre manière d’aimer la nature.

PRIORITÉ

Heureuseme­nt, il y en a, des vrais amoureux du territoire, au Québec. Les chasseurs, les pêcheurs, les randonneur­s protègent la ressource et ramassent leurs déchets.

Sauf qu’en même temps qu’on se rend compte qu’une bonne partie de la population ne sait tout simplement pas comment se gérer dans le bois, il faut également constater que, sur huit millions d’habitants, ceux qui se préoccupen­t vraiment de la qualité de notre environnem­ent – pas la couche d’ozone, là, mais le territoire immédiat et tangible –, c’est une minorité.

S’il en était autrement, un gouverneme­nt qui se dit nationalis­te ferait de la protection de nos lacs une priorité. Il considérer­ait que c’est dans son intérêt électoral.

Ce n’est pas le Québec dans lequel on vit présenteme­nt.

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L’alarme sonne depuis près de 15 ans, après la crise des algues bleu-vert.

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