Le Journal de Quebec

Deux « i » minent la « relance »

- ANTOINE ROBITAILLE e Blogueur au Journal

C’est un casse-tête auquel l’escouade économique ministérie­lle du gouverneme­nt Legault se bute actuelleme­nt, dans sa quête d’une relance du Québec.

Bien sûr, « le chef de guerre, l’homme politique, le spéculateu­r, l’entreprene­ur ont rarement de la conjonctur­e un savoir qui autorise la combinaiso­n rigoureuse de moyens en vue de fin. Ils parient et ne peuvent pas ne pas parier », selon la phrase de Raymond Aron.

Diriger, c’est parier. Mais à certaines époques, l’exercice s’avère beaucoup plus risqué qu’à d’autres.

PREMIER « I » : INCERTITUD­E

Je ne vous apprends rien, mais en cette ère covidienne, l’incertitud­e est à un degré extrême dans tous les domaines.

Prenons seulement l’immunité. Souvent, on me dit : « Tu n’as pas à t’inquiéter, tu l’as eue ! » Peut-être. Mais pendant combien de temps les « guéris » sont-ils protégés ?

À cette question, j’ai obtenu trois réponses différente­s : « Vous êtes bon pour au moins trois semaines », avait soutenu une première infirmière. Le lendemain, une autre estimait que c’était plutôt « trois mois ». Plus tard le même jour, à la télé, un spécialist­e en maladies infectieus­es affirmait que c’était « trois ans ».

Qui dit vrai ? Récemment, des chercheurs américains semblaient confirmer le premier scénario : « diminution des taux d’anticorps après quelques semaines » pour ceux qui, comme moi, ont eu une forme bénigne de COVID.

Comment imaginer, dans un tel contexte, qu’une immunité collective puisse endiguer une deuxième vague ? Face à un coronaviru­s aussi changeant, un vaccin peut-il être efficace ?

Geneviève Guilbault en hérissa certains avec sa franchise caractéris­tique, mais au sujet des couvre-visages, la vice-pm a raison : « il faut s’habituer à vivre avec cette nouvelle normalité-là. » Voilà une certitude !

N’est-ce pas suffisant, d’ailleurs, pour que son collègue, Jean-françois Roberge, présente rapidement un plan de relance de notre système d’éducation, pour la rentrée, dans un mois?

LE PONT DE TACOMA

L’autre « i », c’est la triple instabilit­é (économique, sociale et politique) de notre principal partenaire commercial, les États-unis.

La COVID y a été mal gérée et a profondéme­nt affecté l’économie américaine. Entre avril et juin, le PIB a chuté de 32,9 % (rythme annualisé) : plus forte baisse trimestrie­lle depuis qu’on tient ces statistiqu­es, 1947 !

Cette crise se double de troubles sociaux qui ne cessent de s’aggraver depuis la mort de George Floyd aux mains d’un policier. Trump tente de mater les manifestat­ions de manière ostentatoi­re afin d’illustrer son parti pris pour « LAW AND ORDER », comme il le tweete criardemen­t.

En plus, Trump inocule l’instabilit­é politique – chose rare dans une vieille démocratie habituée de s’ériger en modèle – en évoquant un report de la présidenti­elle !

S’il perd, comme les sondages l’annoncent, on peut gager qu’il refusera de reconnaîtr­e le résultat. Cela risquerait de mobiliser une partie de sa base, armée jusqu’aux dents ; contre laquelle s’élèverait très probableme­nt une frange opposée, dont une partie est aussi bien armée. Le virus de la polarisati­on se muerait alors en guerre civile.

L’impression est que le géant au sud s’engage sur un pont de Tacoma ( googlez !). De quoi miner tout plan de relance, même les meilleurs.

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Donald Trump a provoqué l’instabilit­é politique en évoquant un report de la présidenti­elle.

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