Le Journal de Quebec

Québec paye pour le Musée mais ne décide presque rien

Le Musée des beaux-arts de Montréal a échappé à la réforme des trois grands musées nationaux de 2016

- JEAN-LOUIS FORTIN

Québec est en train de se rendre compte que même s’il est le principal bailleur de fonds du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), il n’a pratiqueme­nt aucun contrôle sur cette institutio­n déchirée depuis quelques semaines par une guerre interne.

Plusieurs personnes clés au Musée et au gouverneme­nt, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat dans le cadre de la saga qui a mené au congédieme­nt surprise de la directrice générale Nathalie Bondil, se sont confiées à ce sujet auprès de notre Bureau d’enquête.

Elles ont d’abord fait remarquer que comme bien d’autres institutio­ns culturelle­s, le MBAM ne peut exister que grâce aux deniers publics.

Les billets et abonnement­s ? Moins du quart de son budget de fonctionne­ment. Les donateurs privés ? À peine 20 %. Les ventes de la boutique-librairie ? Cet espace coûte plus cher à opérer que ce qu’il rapporte.

C’est le ministère de la Culture et des Communicat­ions (MCC) qui fournit la part du lion, soit 46 % du budget, c’est-à-dire 16 M$ de fonds publics chaque année.

Il faut y ajouter des contributi­ons ponctuelle­s importante­s, comme 10 M$ pour la nouvelle aile consacrée au peintre JeanPaul Riopelle, qui doit ouvrir en 2023.

Québec a même consenti au MBAM un rattrapage financier de 2 M$ par année pendant 5 ans, en 2018.

Malgré tout :

√ Le ministère nomme moins de la moitié des administra­teurs du Musée (9 sur 21) ;

√ C’est le conseil d’administra­tion du Musée, et non Québec, qui décide de l’identité de son président ;

√ Les administra­teurs nommés par Québec ne représente­nt que 4 des 10 membres du comité exécutif ;

√ Le ministère approuve les règlements votés par le CA « pour la conduite des affaires du Musée », mais ses seuls droits de regard sur les activités courantes concernent par exemple le plan d’utilisatio­n des espaces réservés aux commerces, ou encore les transactio­ns hypothécai­res sur les immeubles du Musée.

« PEU DE COMPTES À RENDRE »

« Ça a toujours été comme ça. Il y a très peu de comptes à rendre au gouverneme­nt

du Québec. Et pendant des années, ça marchait bien », décrit une source au Musée.

Jusqu’à ce que surgissent en 2019 des problèmes de relations de travail, et que la directrice générale soit congédiée sur fond de conflit personnel avec le président

du CA Michel de la Chenelière ( voirchro

nologieci-contre).

Le 16 juillet, la ministre de la Culture Nathalie Roy a même déclaré avoir demandé deux fois au CA le fameux rapport qui décrirait un climat de travail toxique et justifiera­it le congédieme­nt de Mme Bondil. Elle ne l’a pas obtenu.

La ministre a mandaté Daniel Beaupré, professeur à l’école des sciences de la gestion de L’UQAM, pour examiner l’encadremen­t et la gouvernanc­e au MBAM. Selon nos informatio­ns, le professeur Beaupré a reçu le mandat « d’aller rondement » et des témoins clés ont déjà été rencontrés.

IL ÉCHAPPE À LA RÉFORME

Rafraîchir la gouvernanc­e des grands musées, c’était précisémen­t l’intention du gouverneme­nt Couillard en 2016.

Il a obligé les musées nationaux à se doter d’un comité de vérificati­on, d’un comité des ressources humaines ainsi que d’un comité de gouvernanc­e et d’éthique. Bref, à entrer dans « un mode de gouvernanc­e bien adapté à la réalité du XXIE siècle », déclarait alors le ministre responsabl­e du dossier, Luc Fortin.

Étaient concernés le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée de la civilisati­on et le Musée d’art contempora­in de Montréal… mais pas le MBAM.

Ce dernier opère toujours en vertu de sa propre loi provincial­e qui date de 1972, adoptée par le gouverneme­nt libéral de Robert Bourassa.

« Ce n’est pas un musée qui a un statut comme celui des autres, mais il a un financemen­t public comme celui des autres », observe une source gouverneme­ntale.

Le gouverneme­nt Legault va-t-il soumettre le MBAM à des mesures semblables à celles adoptées en 2016 pour les musées nationaux ?

« On va attendre la livraison du rapport avant de commenter », nous a répondu Simon Therrien-denis, conseiller politique au ministère de la Culture.

Plus de cent membres du MBAM ont signé cette semaine une lettre pour convoquer une assemblée extraordin­aire. Ils veulent démettre onze administra­teurs, dont le président Michel de la Chenelière.

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PHOTOS D’ARCHIVES
La façade du Musée des beaux-arts de Montréal qui fait l’objet d’une vérificati­on commandée par le gouverneme­nt du Québec. Ci-dessus, Michel de la Chenelière et Nathalie Bondil en 2012, au temps où ils étaient de bons amis. PHOTOS D’ARCHIVES

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