Le Journal de Quebec

Retraite : la rente à vie ou le gros magot ?

- Daniel Germain

La rente versée jusqu’à la fin de ses jours ou un seul gros motton d’argent maintenant… On croirait le dilemme de celui qui a eu la main heureuse en grattant un billet de « Gagnant à vie ». Je parle plutôt du choix beaucoup plus fréquent qui se présente aux participan­ts d’un régime de retraite à prestation­s déterminée­s (PD).

Le régime PD, c’est celui qu’on voudrait tous (mais dont seule une minorité profite). Il garantit une rente pour la vie, un montant d’argent établi en fonction du salaire gagné et des années de services passées chez son employeur.

Quand il quitte l’entreprise, le bénéficiai­re d’un tel régime se retrouve devant deux options : la rente de retraite promise ou la valeur de transfert. Celle-ci est déterminée par un actuaire en fonction de plusieurs paramètres. Ce montant reflète la rente de base prévue, mais aussi, le cas échéant, les extras comme l’indexation et les prestation­s au conjoint survivant.

La question en arrière est celle-ci : en gérant moi-même la valeur de transfert, puis-je battre la rente ? (Réglons sans tarder le cas facile : si les sommes impliquées sont modestes, on ramasse le motton.)

Ce n’est pas toujours évident de trancher. La rente à vie est synonyme de sécurité, mais la valeur de transfert peut être alléchante pour certains. Quelqu’un qui a occupé des postes relativeme­nt importants chez le même employeur durant la majeure partie de sa carrière peut facilement se voir offrir en valeur de transfert un montant dans les six chiffres. Ça donne envie, mais c’est toute la retraite qui est en jeu. Que faire ?

EN PARTANT, UNE PRISE CONTRE LA VALEUR DE TRANSFERT

En premier lieu, il faut savoir que les sommes transférée­s devront être versées dans un « Compte de retraite immobilisé » (CRI). C’est un peu comme un REER, mais encore moins flexible. Une fois déposée dans le CRI, l’épargne reste inaccessib­le jusqu’à la retraite, et une fois qu’on y est arrivé, on ne peut pas sortir l’argent comme on veut.

L’importance de la valeur de transfert dépend de plusieurs facteurs, à commencer par la générosité du régime.

Elle varie aussi en fonction des taux d’intérêt en vigueur au moment du calcul. Plus les taux d’intérêt sont bas, plus la cagnotte peut être élevée. Pourquoi ? Dans un environnem­ent de bas taux d’intérêt, il faut plus d’argent pour remplir la promesse de rente.

Cela dit, en vertu de règles fiscales, le montant qui peut être transféré vers le CRI est plafonné. Cette limite ne tient pas compte des caractéris­tiques du régime de retraite ou des taux en vigueur.

Les sommes excédentai­res sont payées directemen­t au bénéficiai­re du régime et imposées comme du revenu. Cet excédent peut représente­r une portion importante de la valeur du transfert. Le fisc sera trop content de vous envoyer un avis de cotisation, car la note risque d’être très douloureus­e.

LES CRITÈRES DONT IL FAUT TENIR COMPTE

Si l’organisati­on pour laquelle vous avez travaillé ne risque pas de faire faillite, que son fonds de pension est bien administré, que vous pétez de santé et que la rente promise, couplée à vos autres sources de revenus, couvre amplement vos besoins financiers, pourquoi vouloir vous imposer le stress inutile de gérer votre fonds de pension ?

Si votre employeur connaît des difficulté­s ou si son secteur d’activité s’engage sur le déclin, il y a peut-être un risque à laisser de l’argent dans le régime, mais c’est difficile à prévoir.

Si votre espérance de vie est écourtée par la maladie, le choix de la valeur de transfert peut s’imposer. Votre conjoint ou votre succession pourront alors tout récupérer si vous décédez à un moment prématuré. Par contre, la rente offre une protection financière sans pareille contre le « risque de longévité », c’est-à-dire si vous défiez les statistiqu­es de mortalité.

Si vous êtes un investisse­ur aguerri avec une faible aversion au risque, la valeur de transfert peut être considérée. Toutefois, le danger de surestimer ses compétence­s en investisse­ment reste important, et vous n’êtes jamais à l’abri d’un krach boursier.

Si vous comptez prendre la valeur accumulée dans votre fonds de pension pour suivre un tuyau de beaufrère, retenez-vous ! Miser sa retraite d’hydro-québec dans Nemaska Lithium, ce n’est pas un bon plan.

Loin de moi l’idée de vouloir comparer le beauf au conseiller financier, mais je me permets ici de lever un drapeau : si le conseiller, le banquier, le courtier ou quiconque dans l’industrie financière vous vantent la valeur de transfert tout en minimisant les avantages de la rente, levez le nez et reniflez…

Ça, c’est l’odeur du conflit d’intérêts.

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