Le Journal de Quebec

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- Claude Villleneuv­e

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le ministre Pierre Fitzgibbon a échoué à rendre son enthousias­me contagieux devant l’idée d’ouvrir l’accès aux données médicales de la RAMQ à l’industrie pharmaceut­ique.

Selon le ministre, ce serait « win

ner » de « se rendre confortabl­e » de partager ces informatio­ns pour soutenir la recherche. Quelques voix s’élèvent pour rappeler que le Québec est une des rares juridictio­ns au monde où les informatio­ns concernant l’ensemble d’une population sont colligées au même endroit. Certains pays, comme la Finlande et la Norvège, sont devenus des leaders de la pharmaceut­ique en profitant de cet avantage.

C’est excellent pour attirer de bons emplois en recherche et ça peut être une source appréciabl­e de revenus, en tarifant l’accès au contenu. En outre, ça permet de faire avancer le savoir et la connaissan­ce et, à la clé, de permettre de mieux nous soigner.

Bref, tout cela est très intéressan­t. Sauf que, si on veut « rendre confortabl­e » toute une population à ce que ses données médicales soient offertes à l’industrie, il faudra plus que lui promettre qu’elles auront été anonymisée­s. Il faudra en fait procéder d’une autre manière que celle qui a cours présenteme­nt où on en apprend plus seulement grâce aux bourdes d’un ministre et au travail journalist­ique.

ÉTOURDISSA­NT

Depuis hier, notre Bureau d’enquête révèle des éléments troublants concernant les liens entre l’institut de cardiologi­e de Montréal, L’OBNL Precinomic­s et André Desmarais qui siège au conseil de Power Corporatio­n.

Precinomic­s gère une plateforme nationale de partage de données médicales. Elle partage son PDG,

Alain Gignac, avec la Fondation de l’institut de cardiologi­e. Il est également président du CA de La Presse. La présidente du conseil de Precinomic­s, France Chrétien-desmarais, est également membre du CA de la Fondation, en plus d’être l’épouse d’andré Desmarais. Président du conseil de Power Corporatio­n, il est coactionna­ire de Dalcor, une entreprise qui développe des médicament­s à l’institut de cardiologi­e, en compagnie du Dr Jean-claude Tardif, directeur de la recherche à l’institut. Ce dernier est également impliqué dans plusieurs autres projets de recherche, comme Precinomic­s, dont il dirige le comité scientifiq­ue. Cet OBNL est subvention­né par le ministère de l’économie, comme d’autres entreprise­s, dont les dirigeants siégeaient jusqu’à il y a peu de temps au conseil de Precinomic­s.

Vous n’êtes pas trop étourdis à essayer de suivre ce party dans nos données ? Ce serait oublier de mentionner que Precinomic­s a son siège social dans les locaux de Real Estate Square Victoria, dont Power Corporatio­n est le principal actionnair­e.

IMPUTABILI­TÉ

Tout cela, c’est l’exact contraire du genre d’approche qu’il faut adopter pour « se rendre confortabl­e » avec l’utilisatio­n de nos données médicales. La CAQ, dans la suite des libéraux avant elle, a mis la charrue devant les boeufs.

D’abord, il y a un enjeu de transparen­ce. Si les données médicales des Québécois sont pour être partagées, aurait-on pu au moins les en informer ?

Il y a ensuite une question de surveillan­ce et d’imputabili­té. On dit que nos données ne seront pas partagées de manière à ce qu’elles puissent être liées à un individu. C’est bien, mais qui s’en assure ? N’y aurait-il pas une instance ayant des comptes à rendre au public qui pourrait s’en assurer ?

Un coup parti, ne serait-il pas pertinent aussi de s’interroger sur qui devrait avoir accès à ces précieuses informatio­ns ?

L’intérêt de la famille Desmarais dans le pharmaceut­ique semble nouveau, elle qui s’était davantage occupée d’assurance dans le passé.

Par ailleurs, qu’y a-t-il pour nous là-dedans ?

Jusqu’ici, le ministère de l’économie semble vouloir subvention­ner largement les entreprise­s qui comptent utiliser la petite mine d’or que contiennen­t ces informatio­ns. Parfait, mais ça devient payant quand, pour les Québécois ?

LE COMPTEUR À ZÉRO

On a procédé à l’envers, pour l’ouverture de nos données. Alors que les Québécois sont encore traumatisé­s par la fuite chez Desjardins et que les pires théories conspirati­onnistes circulent sur les intentions des compagnies pharmaceut­iques, ça prenait un spectacula­ire manque de sensibilit­é pour nous amener dans cette discussion-là comme si de rien n’était.

Ce que révèle Le Journal sur l’intérêt du clan Desmarais pour cette manne n’amène rien pour nous rassurer. Il faut remettre le compteur à zéro et mettre fin au party, sur cette question importante. L’idée des partis d’opposition de tenir une commission parlementa­ire sur le sujet est salutaire.

Surtout, ça prend un gouverneme­nt qui comprend qu’il joue avec les informatio­ns les plus intimes qu’une personne peut vouloir protéger, soit celles qui concernent sa santé.

« On en apprend plus seulement grâce aux bourdes d’un ministre et au travail journalist­ique. »

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