Le Journal de Quebec

Manifestat­ion antiracism­e monstre à Washington

Des dizaines de milliers de personnes exigent de profondes réformes

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WASHINGTON | (AFP) Entre espoir et lassitude, une foule de manifestan­ts antiracist­es s’est retrouvée hier à Washington pour réclamer la fin des violences policières contre la minorité noire après une série de bavures qui ont rouvert les plaies raciales de l’amérique.

Cinquante-sept ans jour pour jour après l’emblématiq­ue discours du leader de la lutte pour les droits civiques Martin Luther King, I have a dream, des dizaines de milliers de personnes ont marché à nouveau sur la capitale fédérale pour exiger de profondes réformes.

Sa petite fille Yolanda King, 12 ans, a pris le micro pour réclamer « l’égalité réelle ». « Nous sommes la génération qui allons démanteler le racisme systémique une bonne fois pour toutes », a-t-elle lancé.

« Enlevez votre genou de nos cous », le mot d’ordre de la manifestat­ion faisait référence à la mort de George Floyd, un quadragéna­ire noir asphyxié par un policier blanc le 25 mai à Minneapoli­s, dont le calvaire a déclenché un mouvement de protestati­on inédit depuis des décennies aux États-unis.

« Submergé » par l’émotion, son frère Philonise a remercié les manifestan­ts pour leur mobilisati­on. « J’aimerais tellement que George soit là pour vous voir... », a-t-il dit en pleurs, avant d’ajouter, optimiste lui aussi : « Le changement est en train d’arriver parce que nous l’exigeons. »

« DEUX SYSTÈMES »

Mais d’autres ont laissé filtrer leur amertume. « Nous sommes fatigués des promesses non tenues », a déclaré l’un des organisate­urs, le révérend Al Sharpton devant le mémorial érigé en l’honneur du président Abraham Lincoln qui a aboli l’esclavage il y a un siècle et demi.

Le père de Jacob Blake, grièvement blessé dimanche à Kenosha, dans le nord du pays, a, lui, fait scander « pas de justice, pas de paix », alors que l’agent qui a tiré plusieurs balles dans le dos du père de famille n’a toujours pas été arrêté ni inculpé.

Dernier outrage selon ses proches : le jeune homme de 29 ans, qui a perdu l’usage de ses jambes, est resté menotté à son lit d’hôpital jusqu’à hier. « Il y a deux systèmes judiciaire­s aux États-unis, un pour les Blancs, un pour les Noirs », a regretté Jacob Blake père.

Ce drame a entraîné des manifestat­ions émaillées de violences pendant trois nuits à Kenosha, où deux personnes ont été abattues apparemmen­t par un jeune de 17 ans qui, armé d’un fusil d’assaut, s’était joint à des milices censées défendre les commerces locaux.

L’affaire Jacob Blake a aussi déclenché un mouvement de protestati­on sans précédent dans le monde du sport. Après la décision des joueurs de basket-ball des Milwaukee Bucks de boycotter un match, la NBA a dû reporter plusieurs rencontres mercredi et jeudi. Les compétitio­ns reprendron­t toutefois aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT DÉCEVANT

Les orateurs ont salué les athlètes et déploré en revanche le discours du président Donald Trump qui, depuis des semaines, insiste sur les violences commises en marge des manifestat­ions sans un mot sur le fond des revendicat­ions des Afro-américains.

En campagne pour sa réélection, il se pose en défenseur de « la loi et de l’ordre » face à son rival démocrate Joe Biden, qu’il accuse de vouloir livrer les États-unis aux « anarchiste­s » et « émeutiers ».

« Toutes les familles ont dénoncé les pillages, mais nous ne vous avons pas entendu dénoncer les balles tirées », a rétorqué le révérend Sharpton.

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PHOTO AFP Des milliers de manifestan­ts antiracist­es se sont rassemblés devant l’emblématiq­ue Washington Monument, hier.

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