Le Journal de Quebec

Jolin-barrette fait monter les attentes

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Simon Jolin-barrette a décidé de commémorer le 43e anniversai­re de la loi 101 avec une lettre ouverte dans les grands quotidiens québécois.

Avec ses références à René Lévesque et Camille Laurin, présentant le Québec comme un « pays », il ne s’agissait pas d’un texte anodin.

Le ministre a voulu prendre de la hauteur.

Alors qu’on attend pour l’automne une nouvelle politique linguistiq­ue, il a manifestem­ent voulu faire monter les attentes, et peut-être même mettre un peu de pression sur les membres les plus frileux du gouverneme­nt, pour qui le nationalis­me est par définition excessif.

FRANÇAIS

Car tel est le nouveau « test nationalis­te » du gouverneme­nt Legault, qui a été admirable en faisant voter la loi 21 sur la laïcité, mais qui a déçu en se couchant lamentable­ment sur la question des seuils d’immigratio­n.

SJB profite toutefois d’un contexte politique unique.

La question linguistiq­ue était sortie du radar politique depuis un bon moment. Les Québécois se laissaient bercer par l’idée que la loi 101 avait atteint ses grands objectifs et qu’ils étaient désormais en situation de sécurité linguistiq­ue. Les médias officiels en rajoutaien­t : jamais le français ne s’est aussi bien porté au Québec.

À coup de tripatouil­lages statistiqu­es, on a même fabriqué un chiffre officiel : 94 % des Québécois maîtrisera­ient le français.

Ce chiffre servait de paravent.

On oubliait de dire qu’elle s’effondrait comme langue commune et que le poids démographi­que de la majorité historique francophon­e ne cessait de régresser.

La récente étude de L’OQLF est venue confirmer ce que nous savons déjà : Montréal s’anglicise et se détache culturelle­ment du reste du Québec. La dynamique linguistiq­ue de la métropole impose de plus en plus l’anglais comme langue commune. La situation est critique. Les Québécois francophon­es s’y sentent en pays étranger.

La seule manière de renverser la tendance consiste à frapper un grand coup. Jolin-barrette ne peut se contenter de mesurettes. Il ne peut surtout pas se permettre de décevoir. Et François Legault ne peut le laisser tomber. Les enjeux sont nombreux.

Il doit stopper l’anglicisat­ion du système collégial, surtout à Montréal, où les cégeps de langue française sont à la veille de l’effondreme­nt, comme l’a bien démontré Frédéric Lacroix.

Il doit faire du français la langue de l’état et de l’administra­tion, comme l’ont expliqué Guillaume Rousseau et François Côté.

Il doit restaurer le français dans le monde du travail, et imposer notamment la loi 101 aux entreprise­s à charte fédérale, comme il l’a lui-même suggéré.

URGENCE

SJB doit éviter une tentation funeste, celle du consensus à tout prix.

Il aura contre lui les complices de notre anglicisat­ion, notamment les « leaders » économique­s et les chroniqueu­rs colonisés qui traitent la culture québécoise comme un fardeau.

SJB devra s’accrocher à une conviction : le Québec est le seul pays que nous ayons. Si nous le perdons en devenant peu à peu minoritair­es chez nous, nous n’en aurons jamais d’autres. Et nous deviendron­s une bizarrerie folkloriqu­e, le souvenir d’un peuple qui aurait pu être grand, mais qui a décidé, finalement, de se laisser mourir.

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C’est une grande bataille que devra mener Simon Jolin-barrette.

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