Jolin-barrette fait monter les attentes
Simon Jolin-barrette a décidé de commémorer le 43e anniversaire de la loi 101 avec une lettre ouverte dans les grands quotidiens québécois.
Avec ses références à René Lévesque et Camille Laurin, présentant le Québec comme un « pays », il ne s’agissait pas d’un texte anodin.
Le ministre a voulu prendre de la hauteur.
Alors qu’on attend pour l’automne une nouvelle politique linguistique, il a manifestement voulu faire monter les attentes, et peut-être même mettre un peu de pression sur les membres les plus frileux du gouvernement, pour qui le nationalisme est par définition excessif.
FRANÇAIS
Car tel est le nouveau « test nationaliste » du gouvernement Legault, qui a été admirable en faisant voter la loi 21 sur la laïcité, mais qui a déçu en se couchant lamentablement sur la question des seuils d’immigration.
SJB profite toutefois d’un contexte politique unique.
La question linguistique était sortie du radar politique depuis un bon moment. Les Québécois se laissaient bercer par l’idée que la loi 101 avait atteint ses grands objectifs et qu’ils étaient désormais en situation de sécurité linguistique. Les médias officiels en rajoutaient : jamais le français ne s’est aussi bien porté au Québec.
À coup de tripatouillages statistiques, on a même fabriqué un chiffre officiel : 94 % des Québécois maîtriseraient le français.
Ce chiffre servait de paravent.
On oubliait de dire qu’elle s’effondrait comme langue commune et que le poids démographique de la majorité historique francophone ne cessait de régresser.
La récente étude de L’OQLF est venue confirmer ce que nous savons déjà : Montréal s’anglicise et se détache culturellement du reste du Québec. La dynamique linguistique de la métropole impose de plus en plus l’anglais comme langue commune. La situation est critique. Les Québécois francophones s’y sentent en pays étranger.
La seule manière de renverser la tendance consiste à frapper un grand coup. Jolin-barrette ne peut se contenter de mesurettes. Il ne peut surtout pas se permettre de décevoir. Et François Legault ne peut le laisser tomber. Les enjeux sont nombreux.
Il doit stopper l’anglicisation du système collégial, surtout à Montréal, où les cégeps de langue française sont à la veille de l’effondrement, comme l’a bien démontré Frédéric Lacroix.
Il doit faire du français la langue de l’état et de l’administration, comme l’ont expliqué Guillaume Rousseau et François Côté.
Il doit restaurer le français dans le monde du travail, et imposer notamment la loi 101 aux entreprises à charte fédérale, comme il l’a lui-même suggéré.
URGENCE
SJB doit éviter une tentation funeste, celle du consensus à tout prix.
Il aura contre lui les complices de notre anglicisation, notamment les « leaders » économiques et les chroniqueurs colonisés qui traitent la culture québécoise comme un fardeau.
SJB devra s’accrocher à une conviction : le Québec est le seul pays que nous ayons. Si nous le perdons en devenant peu à peu minoritaires chez nous, nous n’en aurons jamais d’autres. Et nous deviendrons une bizarrerie folklorique, le souvenir d’un peuple qui aurait pu être grand, mais qui a décidé, finalement, de se laisser mourir.