Le Journal de Quebec

Petite histoire du pogo bilingue

- EMMANUELLE LATRAVERSE Analyste politique c emmanuelle.latraverse@tva.ca

Épicerie de Notre-dame-de-grâce, 15 h, comptoir du prêt-à-manger.

- Bonjour, je voudrais du riz, un pogo et quatre pilons de poulet, s’il vous plaît.

- ?????

- Du riz, un po-go et qua-tre pi-lons de poulet, dis-je bien lentement en pointant les mets dans le présentoir.

- Sorry ? - Maman, la madame ne parle pas français ! - Je vois bien, ma chérie, mais nous sommes à Montréal.

- Mais maman, à Ottawa tu acceptes de parler anglais…

- Oui, mais à Montréal on parle français. - Mais qu’est-ce que ça change ?

- Ça change tout, mon amour ! Montréal est la métropole francophon­e d’amérique. Il faut insister pour réussir à protéger notre langue.

PLUS ÇA CHANGE…

Au IGA en 2020, la scène ressemble trop à celle de chez Eaton en 1980.

Quarante ans plus tard, me voilà dans les souliers de ma mère qui s’indignait de se faire servir en anglais au centre-ville.

À l’époque, ma mère affrontait ma gêne en me disant : « J’insiste pour que toi tu n’aies pas à le faire plus tard, pour que tu puisses vivre en français à Montréal. »

Sauf que, là où ma mère aurait quitté le magasin, j’ai cédé.

Coincée entre le regard gêné de ma fille et celui angoissé de l’employée, j’ai commandé « one rice, one pogo and four drumsticks ».

Ça finit toujours comme ça, après tout. Pourquoi s’énerver ? Pourquoi faire porter à une pauvre employée, qui tente juste de gagner sa vie, le fait qu’on tolère si facilement de finir par se faire servir en anglais à Montréal ?

Il est là le problème.

Après tant d’efforts, tant de batailles politiques, la mondialisa­tion, notre complaisan­ce collective ont fait de Montréal une ville bilingue.

Au fil des ans, le recul du français y a été accueilli avec résignatio­n et fatalité. Le fameux Bonjour-hi en est devenu le symptôme.

UN EFFORT COLLECTIF

Le gouverneme­nt Legault promet une refonte de la loi 101, assurant d’être à la hauteur de ce devoir de garantir la pérennité du français comme socle de notre vie commune.

Or, les 43 dernières années nous ont aussi appris une chose : les lois et les politiques ne suffisent pas. C’est l’ensemble de la société qui doit se mobiliser.

Il est là le défi : mobiliser les Montréalai­s dans cet effort collectif.

Après tout, si Paris valait bien une messe pour le futur roi Henri IV, en 2020 notre langue vaut bien un pogo servi en français dans notre métropole.

C’est notre complaisan­ce collective qu’il faut affronter pour assurer la survie du français à Montréal.

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Une boutique du centre-ville de Montréal annonçant un solde d’échantillo­ns.

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