Le Journal de Quebec

Comment faire sa place au sein d’une famille?

- LOUISE DESCHÂTELE­T T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia..co

Je n’ai jamais su trouver ma place dans ma famille. Troisième d’une fratrie de quatre, j’ai deux soeurs aînées, des jumelles, ainsi qu’un frère cadet. Les jumelles ne m’ont jamais permis d’entrer dans leur bulle. Avec quatre ans de plus que moi, elles m’ont toujours fait sentir de trop quand je tentais de m’insérer entre elles, ou aux groupes de filles qu’elles fréquentai­ent.

Mon frère a toujours préféré sortir avec ses copains qu’avec une soeur dont il trouvait la présence gênante dans un groupe de garçons chamailleu­rs et bagarreurs. D’autant moins que pris à vivre dans une famille comptant trois filles en plus d’une mère, il voulait laisser parler sa testostéro­ne.

Vous allez me dire que je remonte loin pour aboutir à mon propos, mais vu que j’approche de la soixantain­e, il fallait que je vous mette en contexte pour que vous puissiez m’orienter vers ce que je devrais faire pour me sentir enfin partie prenante des miens.

Le confinemen­t de la pandémie m’a fait réaliser à quel point je suis éloignée d’eux et à quel point leurs valeurs ne sont pas les miennes. Mes soeurs, qui vivent ensemble depuis qu’elles ont perdu leur conjoint respectif, ont passé cette période à se plaindre de tout, même si elles sont celles qui bénéficien­t l’une et l’autre des portefeuil­les les mieux garnis de la famille.

Elles se sont plaintes de ne pas pouvoir être visitées par leurs enfants et petits-enfants, de ne pas pouvoir sortir au théâtre et au restaurant comme elles avaient l’habitude de le faire, ni de voyager. Elles ne font rien de leurs dix doigts parés de bagues, pendant que moi je me languis de ne pouvoir reprendre le bénévolat que j’avais l’habitude d’accomplir.

Nous avons elles et moi des objectifs de vie diamétrale­ment opposés, et quand je leur parle de se dévouer pour la communauté, c’est tout juste si elles ne me rient pas en pleine face. Quant à mon frère qui vit en autarcie sur sa terre avec sa femme et qui ne pense qu’en fonction de ses cinq enfants et de leurs familles, c’est comme si lui et moi on vivait sur autre planète. Depuis le décès de nos parents, on n’a presque plus de contacts lui et moi, et ceux que nous avons sont d’une froideur à m’enlever toute envie de garder le contact.

Qu’est-ce que je fais de pas correct pour être ainsi rejetée de tous les miens ? Pourquoi suis-je la seule à voir la vie en termes de dévouement et non en termes de possession­s ? Estce parce que je suis demeurée célibatair­e que je ne trouve pas ma place dans une famille où tous ont eu des enfants ?

Une femme dévouée

Vous dévouer pour les autres donne un sens à votre vie et c’est très bien. Mais vous ne pouvez espérer que tout le monde fasse pareil. Il n’y a pas de vérité absolue et il se peut que vos soeurs se réalisent autrement sans que ça vous enlève quoi que ce soit.

Tout comme le fait d’appartenir à une fratrie ne garantit pas que les atomes soient crochus entre tous ses membres. Les deux jumelles ont leurs affinités propres, quasiment par la force des choses. Alors que vous et votre frère n’en faites pas partie. C’était déjà évident dans votre enfance, ça ne peut que tendre à se confirmer dans votre âge adulte. Il a choisi sa voie et semble avoir trouvé son bonheur.

Vous ne faites rien de pas correct. Vous êtes quelqu’un de différent, c’est tout. Personne ne vous rejette. On vous fait juste sentir votre différence. Vous avez fait le choix de ne pas avoir d’enfants et c’est votre droit. Mais vous devez aussi en conséquenc­e, accepter le regard que posent les autres sur vous sans vous en formaliser. Si vous souhaitez les côtoyer sans souffrir, vous n’avez pas d’autre choix que d’accepter ce qu’ils sont.

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