La politique de l’intransigeance fanatique
Tard jeudi soir, peu avant de quitter le square Lafayette en face de la Maison-blanche, deux partisans de Donald Trump sont venus, devant moi, narguer plusieurs dizaines de sympathisants de Black Lives Matter, le mouvement de défense des droits des Noirs. Pas facile de tout comprendre ce que les deux provocateurs criaient à travers leur mégaphone, mais les distorsions tournaient autour de « Rentrez chez vous ! C’est fini ».
C’est le réflexe, après deux semaines de convention politique, que les partis démocrate et républicain souhaiteraient que les Américains aient : conclure que la preuve est accablante, que Donald Trump – selon les démocrates – a si mal géré la pandémie que les 180 000 morts lui sont dus, alors que Joe Biden – pour les républicains – cédera le pays aux extrémistes et aux pillards.
Sombre époque que nous vivons, à les entendre. Trump menace la démocratie ; Biden, les États-unis tels qu’on les connaît. Pas de demi-mesure. Mais si les démocrates ont crié au loup, les républicains, eux, ont sorti l’artillerie lourde.
Pour Jim Jordan, congressman de l’ohio, le quotidien des villes gérées par les démocrates se résume en quelques mots : crimes, violence et règne des masses (« mob rule »). L’avertissement lancé par un autre congressman – Matt Gaetz, de Floride – affole davantage encore : « Les démocrates vous désarmeront, videront les prisons, vous enfermeront chez vous et inviteront MS-13 (un des gangs latino-américains les plus violents) à vivre à côté. »
NON PAS BATTRE, DÉTRUIRE
Les messages des deux campagnes que je reçois – plusieurs fois par jour dans ma boîte de courriels – reflètent cette intransigeance de vues. Avec toutefois une différence de ton époustouflante. Les démocrates dénoncent Trump comme incompétent, menteur et alarmiste. Les républicains
– et plus spécifiquement, Donald Trump et ses proches – tombent vite dans l’insulte et les intentions lugubres.
Aux premières heures de la convention républicaine lundi dernier, un message de Trump clamait que « Slow Joe et Phony Kamala pataugent », ajoutant que le parti démocrate avait tenu « la convention la plus sombre, la plus colérique et la plus déprimante de l’histoire ». Hier matin, un autre courriel sollicitait une contribution financière, parce que « je veux m’assurer que nous détruirons absolument Slow Joe et Phony Kamala »… signé Donald J. Trump, président des États-unis.
EN PENSÉE, EN PAROLE ET EN ACTION
On se demandait si la diabolisation du tandem Biden-harris, en utilisant les troubles et l’insécurité, poussera des paranoïaques à l’action. Difficile de voir autrement ces soi-disant miliciens qui s’organisent pour prétendument défendre la propriété des honnêtes citoyens contre les « émeutiers de gauche ». Avec, pour conséquences tragiques, la mort de deux personnes mardi à Kenosha dans le Wisconsin, apparemment tuées par un jeune amateur d’armes de 17 ans.
La Maison-blanche s’en lave les mains. « Nous ne sommes pas responsables du comportement en privé des gens qui assistent à nos rassemblements. » Pire encore, les commentateurs conservateurs voient un héros chez l’adolescent. Ann Coulter souhaite « en faire son président » ; un internaute de droite lui promet une flopée de « filles conservatrices en chaleur ».
La radicalisation carabinée ! C’est le cas de le dire.
Si les démocrates ont crié au loup, les républicains, eux, ont sorti l’artillerie lourde.