Le Journal de Quebec

Le poète et le politicien

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Je suis la fan numéro 1 de Leonard Cohen.

J’écris cette chronique à mon bureau, à côté d’une photo de Leonard Cohen, d’un cadre contenant le timbre de Postes Canada hommage à Leonard Cohen, des biographie­s, des romans, des recueils de poésie, des DVD et des CD de Leonard Cohen.

Je pourrais dire « I’m your fan » à l’auteur de la chanson I’m your man. Tous les mois, je vais me recueillir sur sa tombe, sur le MontRoyal.

Pourtant, quand j’ai entendu dire que « les fans de Leonard Cohen » étaient furieux que sa chanson Hallelujah ait été utilisée deux fois lors de la convention du parti républicai­n, je ne me suis pas du tout sentie concernée.

Je ne comprends pas que les gens s’offusquent que quelqu’un qu’ils n’aiment pas aime quelque chose qu’ils aiment.

Ça leur enlève quoi ?

SO LONG, DONALD

Samedi, la Presse canadienne nous apprenait que « des représenta­nts de la succession de Leonard Cohen envisagent de déposer une poursuite après que la chanson Hallelujah eut été diffusée sans autorisati­on lors de la convention républicai­ne ».

Je comprends qu’il y a des questions légales en jeu. Si le parti républicai­n a demandé la permission de faire jouer Hallelujah et que la succession a refusé, et que le Parti l’a fait jouer quand même, ce n’est pas kasher.

Mais en soi, pourquoi refuser aux républicai­ns de diffuser une chanson qui émeut profondéme­nt des gens de toutes les origines, de toutes les orientatio­ns politiques depuis 1984 ?

Je n’ai jamais compris pourquoi des artistes connus (Rolling Stones, Elton John ou Bruce Springstee­n) capotaient quand leurs chansons étaient diffusées par des organisati­ons politiques. Tu fais ta chanson et tu espères que ça touche le plus grand nombre possible de gens. Parmi ces gens, il y a peut-être des pédophiles, des psychopath­es ou des sympathisa­nts néonazis. Ou simplement des gens qui ne penchent pas du même bord politique que toi. C’est la vie.

Ce qui me dérangerai­t plus, si j’étais la succession de Cohen, c’est que le camp des républicai­ns pense sûrement que Hallelujah est une chanson à connotatio­n religieuse… alors que c’est une chanson très charnelle, presque cochonne, sur le désamour.

Quand Cohen dit : « Il y a une époque où tu me laissais savoir ce qui se passe vraiment tout en bas mais maintenant tu ne me montres plus rien », ou quand il dit : « Souviens-toi quand je bougeais en toi et que de nos lèvres, on tirait un Alleluia »… c’est quand même clair qu’il parle de relations charnelles !

Cohen a toujours mélangé spirituali­té et sensualité.

LEONARD C. DONALD

Hallelujah est une des chansons les plus reprises de l’histoire de la musique. On l’a même entendue dans Shrek !

En 2006, au gala du Panthéon des auteurs et compositeu­rs canadiens, que je coanimais, k.d. lang avait chanté Hallelujah devant Leonard Cohen.

Il paraît que lorsqu’il a entendu cette version, Cohen s’est dit que la chanson pouvait arrêter d’être reprise, car k.d. lang avait atteint la perfection. Cohen lui-même était en faveur d’un moratoire sur les utilisatio­ns de Hallelujah à la télé et au cinéma.

Alors, les républicai­ns devraient peut-être utiliser une autre chanson de Cohen.

Je suggère The Future : « J’ai vu l’avenir… c’est un meurtre ».

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