Le Journal de Quebec

MAX GROS-LOUIS, UN HOMME PLUS GRAND QUE NATURE

- JULIEN CABANA julien.cabana@quebecorme­dia.com

Durant plus de 30 ans, il a dirigé les destinées de la nation huronne-wendat en tant que grand chef. Aujourd’hui, s’en allant doucement vers ses 90 ans, Max Gros-Louis a accepté de nous accorder une entrevue qui explique tout le cheminemen­t de sa vie.

C’est en compagnie de mon ami photograph­e Karl Tremblay que je l’ai rencontré chez lui, au travers de tous ses souvenirs qui l’entourent. Le but de l’entrevue était de le connaître un peu plus et non pas pour le glorifier. Il n’a jamais laissé les gens indifféren­ts.

Dès le départ, je lui ai rappelé que nous nous étions parfois tiré les oreilles dans le cadre de mon travail.

« On se battait pour la même cause finalement. On ne peut pas toujours être d’accord sur la façon d’opérer, mais sur la base des débats, nous étions sur la même longueur d’onde. Nous voulions défendre la faune et les chasseurs de nos communauté­s. »

L’histoire de la famille Gros-louis est intimement liée à l’actuel territoire de la réserve de Lorettevil­le

« Mon père est né ici, tout comme mon grand-père. Mon arrière-grand-père, Nicolas, était ici aux alentours de 1700, alors que les Hurons ont déménagé de l’ancienne — Lorette jusqu’au village huron actuel. J’ai toujours été ici et j’ai assisté au développem­ent de la réserve à tous les niveaux. »

LE GRAND CHEF

Durant son long mandat, il a travaillé au développem­ent de la réserve.

« Lorsque j’ai été élu chef, la réserve avait 400 mètres par 400. De concert avec les autres membres du Conseil, nous avons travaillé à agrandir la réserve jusqu’à un mille carré. À ce moment-là, nous avons pu développer le territoire afin de permettre aux membres de la nation de s’installer convenable­ment. »

C’est sous son règne qu’a débuté le débat concernant la réserve des Laurentide­s, la question du territoire ancestral.

« Lorsqu’il est question de territoire ancestral, on veut parler du parc des Laurentide­s où les Hurons et les Montagnais, aujourd’hui appelés Innus, selon ce que j’ai vu durant toute ma vie, ont trappé et plus. Alors, j’ai essayé de travailler à une entente pour que tout le monde puisse en profiter. Ça ne sert à rien de dire : “ça, c’est à moi et puis toi, tassetoi”. Je n’ai jamais privilégié la Cour pour régler des différends. Je suis un homme qui aime s’asseoir et discuter pour en arriver à une entente. Personnell­ement, avec les gens du Conseil, je privilégia­is la méthode d’utiliser la ligne des eaux. Le versant de l’eau qui va vers le fleuve Saint-laurent c’était pour les Hurons et tout ce qui coule au nord vers le lac SaintJean, le Saguenay, c’était pour les Innus.

Durant mon séjour au Conseil, ça allait assez bien, dans le respect de l’entente que nous avions signée avec le gouverneme­nt du Québec. »

Concernant la présence des Hurons sur le territoire du Québec, monsieur Gros-Louis y va de cette explicatio­n.

« D’après moi, au travers de tous les livres que j’ai consultés, au premier voyage de Champlain, les Hurons étaient tous sur le bord du fleuve Saint-laurent. On retrouve un peu partout des preuves de leur présence. Au deuxième voyage de Champlain, les Hurons étaient partis en Ontario. Ils sont revenus pour habiter l’île d’orléans, Sillery, Sainte-foy, L’AN-cienne-lorette avant de terminer sur le territoire de la réserve actuelle, avec nos tuteurs, les Jésuites. Il ne faut pas oublier que le fleuve Saint-laurent était l’autoroute pour les Hurons. »

RECONNU PARTOUT

Au fil du temps, son implicatio­n dans la cause autochtone l’a conduit un peu partout dans le monde. Sa participat­ion à la Table des Premières Nations a fait en sorte qu’il est devenu durant une époque, celui qui personnifi­ait l’image de la cause.

« J’ai fait beaucoup de choses pour faire avancer notre cause. Au départ, j’ai été grand chef de la nation huronne-wendat. J’ai été vice-président fondateur de l’associatio­n des Indiens et des Inuits du

Québec, vice-chef national à l’assemblée des Premières nations, vice-chef à l’assemblée nord-américaine des Premières Nations et vice-chef de l’assemblée mondiale des Premières nations. Dans tous les cas, j’ai essayé de faire avancer la cause et je suis content de ce que j’ai fait, autant avec les premières nations, qu’avec les non-autochtone­s, au Québec, au Canada, en France et un peu partout. »

De la reconnaiss­ance, il en a eu partout. Il a été honoré par l’académie diplomatiq­ue de la Paix en Belgique. Il a reçu l’ordre du Canada, l’ordre du Québec, la Légion d’honneur et l’ordre national du mérite de la France, et plusieurs autres.

Une vie pleinement remplie pour un homme exceptionn­el, qui imposait par sa stature et ses idées, lorsqu’il se retrouvait autour d’une table pour discuter.

SON PLUS GRAND SOUHAIT

À l’hiver de sa vie, l’homme veut absolument passer ce dernier message.

« Je souhaite que les gens vivent dans l’harmonie en se respectant les uns les autres, autant en termes humains que dans tout ce qui concerne le dossier des droits ancestraux. Chacun a sa méthode pour les faire respecter. Nous vivons tous ensemble sur le même territoire. Il faut apprendre à le faire dans le respect de chacun. Il est certain que les gens peuvent avoir des idées et des conception­s très différente­s d’une situation. Je crois toujours toutefois que le dialogue est la meilleure façon d’harmoniser les choses pour que tout le monde soit heureux. »

Malgré le fait que la maladie le ralentit, il nous mentionnai­t en conclusion qu’il se préparait pour aller chasser le chevreuil et l’orignal, comme à tous les ans.

« JE SOUHAITE QUE LES GENS VIVENT DANS L’HARMONIE EN SE RESPECTANT LES UNS LES AUTRES, AUTANT EN TERMES HUMAINS QUE DANS TOUT CE QUI CONCERNE LE DOSSIER DES DROITS ANCESTRAUX. »

– Max Gros-louis

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Encore très actif, il reçoit de nombreux appels qu’ils traitent souvent dans la salle à manger, entouré de nombreux souvenirs.
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Il pose ici avec le portrait de son père Gérard qui a été vice-chef durant 16 ans.
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années, Marie Allard.
On le voit ici avec sa fidèle compagne des 45 dernières années, Marie Allard.

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