Coquelicot et signes religieux
Promulguer une apparence de neutralité pour tous ses employés n’est pas exclusif aux États. Certaines entreprises en espèrent autant de leur personnel.
Cependant, n’impose pas la neutralité qui veut dans le monde du travail canadien !
La multinationale Whole Foods l’a appris à ses dépens en voulant interdire à ses employés de porter le coquelicot sur leur uniforme dans ses magasins canadiens.
Pour l’entreprise, le port de ce symbole s’apparente au soutien à une cause et elle craint ainsi un débordement de ses employés dans l’étalage de leurs convictions.
Après l’intervention du premier ministre Trudeau et une condamnation unanime de la Chambre des communes, elle invitera finalement ses employés à porter la fleur à la boutonnière le jour du Souvenir.
Pourtant, arborer le coquelicot est un geste politique discutable et le raisonnement de la compagnie n’était pas sans intérêt.
MÉMOIRE SÉLECTIVE
L’intervention du premier ministre dans ce dossier se compare avec ses réticences exprimées à l’égard de la loi québécoise sur la laïcité de l’état.
Sous prétexte des libertés fondamentales, monsieur Trudeau voudrait laisser le soin à chacun de pouvoir afficher ses convictions au travail, surtout lorsqu’elle cadre avec le multiculturalisme et la ferveur patriotique.
La posture du chef canadien n’étonne guère. L’appui du Bloc par la voix d’yves-françois Blanchet laisse toutefois dubitatif.
Le jour du Souvenir et le port du coquelicot ont particulièrement grimpé en popularité au milieu des années 1990 sans qu’elle se démente depuis.
La version officielle veut que le 11 novembre, jour de l’armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale, soit le moment de se rappeler les personnes qui ont défendu et perdu leur vie pour la nation. Mais quelle nation ?
La guerre 14-18 était une guerre d’empires européens où des Québécois sont allés mourir pour l’angleterre. Celle de 39-45, les reliquats d’une paix mal bâclée par les puissances gagnantes de la Première Guerre et un autre sacrifice des nôtres pour les intérêts britanniques.
En chaque occasion, le Parlement canadien vota la conscription malgré l’opposition du Québec.
En Afghanistan, ce sont les intérêts états-uniens qui emportèrent quelques soldats québécois dans l’au-delà.
Le jour du Souvenir, le gouvernement canadien voudrait qu’on se rappelle les morts en oubliant qu’ils ont constitué des sacrifices inutiles.
LA RÉCIPROCITÉ
Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on développe le patriotisme en faisant l’apologie de la guerre. C’est encore plus vrai pour le Québec qui n’a jamais véritablement été enclin à expédier ses jeunes outre-mer pour y faire la guerre.
Pour plusieurs, le jour du Souvenir et le port du coquelicot s’assimilent à des outils de propagande qui sont soigneusement entretenus depuis le référendum de 1995.
Whole Foods avait raison d’y voir le soutien à une cause. En l’occurrence, la promotion fédéraliste de l’attachement au Canada.
Ne serait-il pas aussi légitime pour les souverainistes québécois de pouvoir porter en milieu de travail un symbole qui marquerait leur désir de s’en détacher ?