Le Journal de Quebec

Les chasseurs et le gibier

- MAKA KOTTO Ex-ministre de la Culture et des Communicat­ions « Député » est un rôle généraleme­nt mal connu du grand public. c maka. kotto@quebecorme­dia.com

C’est bientôt la pause parlementa­ire à Québec et à Ottawa. J’ai une pensée pour mes anciens collègues en cette année de crise sanitaire. Ils ne l’ont pas eu facile, eux non plus.

« Député » est un rôle généraleme­nt mal connu du grand public. Il a souvent été circonscri­t au seul indicateur qu’est la « période des questions » à l’assemblée nationale ou à la Chambre des communes. C’est très réducteur.

La période des questions et réponses orales est, certes, l’une des vitrines illustrant les député(e)s en action, mais elle est aussi la moins productive et la plus insignifia­nte.

UNE PARTIE DE CHASSE

J’ai été dans les souliers de député au sein de deux parlements. Et la période des questions est le volet que j’ai le moins aimé. Elle accentue la partisaner­ie et les clivages. Pour faire image, c’est une partie de chasse qui dure 45 minutes. Avec d’un côté les « chasseurs » (les partis d’opposition) et de l’autre, le « gibier » (le gouverneme­nt).

Pour l’opposition qui rêve de prendre la place du « gibier », il s’agit de faire le plus de dégâts possible sur les banquettes du gouverneme­nt pour le faire mal paraître. Ce dernier doit se défendre tant bien que mal pour gagner sa journée ou sa semaine.

Cette vitrine n’est pas un lieu apaisé. Il n’y a rien de constructi­f là-dedans. Elle offre une fausse image de la politique et fourvoie les citoyens relativeme­nt à sa véritable épaisseur.

C’est malheureus­ement la vitrine la plus médiatisée, car elle présente un « spectacle ».

L’EXEMPLE VIENT D’EN HAUT

Conséquemm­ent, la « période des questions » dans sa présente facture façonne et aiguise les biais politiques de plusieurs de nos concitoyen­nes et de nos concitoyen­s. Le niveau d’agressivit­é et d’incivilité qui s’en dégage inspire et légitime leurs propres paradigmes de règlement de différends dans la vie de tous les jours.

Aussi, il est impolitiqu­e de voir certains « experts » en sciences politiques s’y référer et s’y limiter pour attribuer des mentions ou des notes aux « chasseurs » et au « gibier ». Ils révèlent leur « goût du sang »…

Le rôle du député mériterait qu’on le valorise à partir des vitrines plus fidèles à sa réelle dimension.

LES DIMENSIONS FONDAMENTA­LES

Le travail des député(e)s consiste principale­ment à assurer de l’aide, du soutien et très souvent de l’écoute aux femmes, aux hommes et aux familles de leurs circonscri­ptions respective­s. À être des intermédia­ires et des médiateurs entre eux et l’état.

À l’assemblée ou au Parlement, en commission ou en comité parlementa­ire, leur principale activité est d’étudier, d’analyser et de voter des projets de loi. Ils y contrôlent également l’action gouverneme­ntale avec de multiples moyens mis à leur dispositio­n.

Malheureus­ement, ces dimensions qui correspond­ent pourtant aux composante­s fondamenta­les de leur travail sont largement occultées par les médias. Pas assez sensationn­elles.

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